BARCILON DE MAUVANS, Joseph Scipion
Critique du nobiliaire de Provence
En français, manuscrit sur papier
France, Provence (?), XVIIIe siècle.
Petit in-folio, 661 pp. + [16] ff. non chiffrés, manuscrit sur papier, écriture cursive à l’encre brune foncée, pagination ancienne, un seul copiste, une signature au fol. 10 : « Camille ». Reliure de pleine basane havane, dos à 6 nerfs cloisonné et fleuronné, pièce de titre de cuir rouge et lettres dorées en queue de dos : « LE MON. LAB. VOL. », tranches mouchetées de rouge (reliure avec épidermures, mors fendus ; quelques taches à l’intérieur, sans entraver la lecture). Dimensions : 200 × 300 mm.
L’abbé Robert de Briançon fait paraitre son Nobiliaire de Provence dans l’ouvrage L’État de la Provence contenant ce qu’il y a de plus remarquable dans la police, dans la justice, dans l’Église et dans la noblesse de cette province (Paris, 1693, 3 vol. in-12). Très vite les critiques fusent, notamment parce que Robert de Briançon élargit considérablement les critères admis pour accéder à la noblesse, faisant preuve d’un certain « modernisme », mettant en question l’ordre établi.
Au début du XVIIIe siècle, Joseph Scipion de Barcilon de Mauvans, gentilhomme provençal de la ville de Saint-Paul, propose au public une interprétation toute personnelle de la « dérogeance » au sein d’un traité de noblesse lui-même inséré dans un nobiliaire manuscrit. La dérogeance consiste à se commettre dans certaines situations ou activités qui sont interdites à la condition du noble. La dérogeance avait pour conséquence la déchéance du statut de noblesse dans l’éventualité où le Parlement constatait et statuait un manquement aux règles et obligations nobiliaires. Sa réflexion est d’autant plus intéressante qu’elle est isolée (c’est le seul texte produit par ce gentilhomme), polémique (diffusée clandestinement et condamnée par le parlement de Provence) et en même temps très représentatif d’un courant de la pensée nobiliaire de cette période, à l’image du duc de Saint-Simon. L’ouvrage de Barcilon de Mauvans renvoie à la question du déclin, ce que Pietri appelle la « mobilité descendante de la noblesse » (Pietri, 2004).
On connaît d’autres copies manuscrites du travail de Barcilon de Mauvans, diffusé sous le manteau. Saffroy recense 26 manuscrits dans sa Bibliographie généalogique, datant du XVIIe au XIXe siècle (voir nos. 32820 – 32844). Dans ses recherches sur l’origine des familles prétendues nobles, Barcilon s’est notamment servi du registre d’imposition des juifs convertis au début du XVIe siècle, s’acharnant à prouver l’origine juive de plusieurs familles bien connues de la province, dont certaines étaient présentes au Parlement, ce qui explique sans doute la condamnation de l’ouvrage. Le texte original de ce registre figure à la fin du volume sous le titre suivant : Catalogue des familles des nouveaux chrétiens de race hébraïque et judaïque qui furent cotisés en Provence lors de l’imposition que le roy Loüis XII fit sur eux par sa declaration du 23e decembre 1512 cy dessous inserée (pp. 643- 655). A propos de ces registres, propriété d’Allardi Fayardi notaire à Aix, Barcilon de Mauvans nous confie que ce dernier lui avait fait la confidence qu’il « avoit esté tanté plusieurs fois de les vendre cherement, je ne sçais si enfin dans l’accablement des taxes des notaires, il ne se sera pas laissé tanter… » (p. 643). Sa charge antisémite est violente : « Ce catalogue est inseré icy pour pouvoir suivre le conseil du sage d’entre les gentilshommes : ne traite jamais d’affaires avec les juifs, ne t’allies jamais d’eux et ne les reçois pas dans ta compagnie si faire tu peus, quoyque baptisés il est ton ennemis mortel dans le coeur » (pp. 643 – 644).
L’ouvrage s’attache à préciser la différence entre la noblesse de race et les nouveaux nobles, dont les usurpateurs de titres profitant de l’extinction des familles anciennes et propose le catalogue des gentilshommes du sang, de nom & d’armes, ainsi que celui des Juifs de Provence réputés nouveaux chrétiens de race judaïque. Outre l’histoire des plus grandes familles de Provence (Agout, Adhémar, Brancas, Clapiers, Doria, Grignan, Grimaldi, Pontevès, Sabran, Simiane, Vintimille, etc.), l’auteur consacre un article à sa propre famille : « BARCILON noble de sang et d’origine » (pp. 124 – 126), raillant l’abbé de Briançon d’avoir attribué aux Barcilon une origine espagnole chimérique. Il se plaçait, bien évidemment, dans le camp de la noblesse légitime dont la pureté frise chez lui l’obsession.
Texte
pp. 1 – 2, Titre et contenu : Critique du nobiliaire de Provence. Contenant l’épurement de la noblesse du pays la differance des gentilshommes de nom et d’armes et d’origine dans les nobles de raçe des ennoblis et de la noblesse de robe. La Différence sur les diverses espèces de noblesse. Les notes sur les familles nobles éteintes dont d’autres ont pris le nom et les armes. Les Observations sur les usurpateurs de la noblesse que l’autheur du nobiliaire a employés comme véritables gentilshommes. Les moyens pour éviter les usurpations et le mélange dans la noblesse et pour finir une fois pour toujours les recherches contre les vrais nobles. Le Catalogue des gentilshommes de sans, de nom et d’armes, celui des nobles de race, celui des annoblis, celui des nobles de robe, et celui des familles éteintes, tous par ordre alphabétique à la fin de chaque lettre.
pp. 2 – 48, Préface, incipit, « On s’atire tousiours la censure publique lors qu’on traite un suiet qu’on ne connoit pas, l’auteur du nobiliaire de Provence fait l’istoire des nobles du pays sans sçavoir ce qu’est la noblesse, son origine, ses differances, ses distinctions et ses marques. Il confond la noblesse de sang, de nom et d’armes avec la simple noblesse de raçe. Il confond le premier rang et le second avec les annoblis et les nobles de robe… » ;
pp. 48 – 642, Critique du nobiliaire, avec les familles classées alphabétiquement, incipit : « Agout. Noble illustre famille entiene » ; explicit : « Voland. Noble de race » ;
pp. 643 – 655, Catalogue des familles des nouveaux chrétiens de race hébraïque et judaïque qui furent cotisés en Provence lors de l’imposition que le roy Loüis XII fit sur eux par sa declaration du 23e decembre 1512 cy dessous inserée.
p. 655, Lettre des juifs d’Espagne ;
p. 656, Réponce des juifs de Constantinople ;
ff. 1 – 8v, Table des matieres contenues dans la critique du nobiliaire de Provence, notées par feüillets ;
ff. 9 – 10, Catalogue des familles nobles de sang, de nom et d’armes par ordre alphabétique ;
f. 10v, feuillet blanc ;
ff. 11 – 11v, Catalogue des familles de race par ordre alphabétique ;
ff. 12 – 12v, Catalogue des familles annoblies par ordre alphabétique ;
ff. 13 – 13v, Catalogue des nobles familles de robe par ordre alphabétique ;
f. 14, Catalogue des nobles familles éteintes ;
ff. 14v-16v, feuillets blancs.
Bibliographie :
Baury, R. « Sentiment et reconnaissance identitaire de la noblesse pauvre en France à l’époque moderne (XVIe-XVIIIe siècles) » in J.-M. Constant (dir.), L’Identité nobiliaire. Dix siècles de métamorphoses (IXe – XIXe siècles), Université du Maine, 1997, pp. 85 – 86.
Du Roure, « La critique du nobiliaire de Provence », in Bulletin de la société des études archéologiques de Draguignan, t. XXXII, 1918/1919, pp. 41 – 42.
Giordanengo, G. et Matz, J.-M. « Qualitas illata per principatum tenentem. Droit nobiliaire en Provence angevine (XIIIe-XVe siècle) », in La noblesse dans les territoires angevins à la fin du Moyen Age, Angers-Saumur, Rome, 2000, pp. 261 – 301
Saffroy, Gaston. Bibliographie généalogique et nobiliaire de la France…, Paris, Librairie Gaston Saffroy, 1970, nos. 32820 – 32844.
Pietri, V. « Barcilon de Mauvans, interprète de la dérogeance de noblesse », in Cahiers de la Méditerranée, n° 69, 2004, pp. 157 – 174.