Vénus Hottentote, portraiturée sur le vif, quelques mois avant sa mort

HÜET, Jean-Baptiste fils (1772-1852)

Vénus hottentote

Dessin aquarellé, sur papier fort

France, Paris, mars 1815

Annotation au crayon dans le coin inférieur droit : « Dessiné d’après nature. JB Hüet ». Dimensions : 300 × 440 mm.

English abstract

[HÜET, Jean-Baptiste, the Son (1772-1852)]. Vénus hottentote

France, Paris, March 1815
Drawing, watercolor, on paper
Pencil inscription in the lower righthand corner :
« Dessiné d’après nature. JB Hüet ».
Dimensions : 300 × 440 mm.


This is a drawing of Sarah (Saartjie) Baartman, christened in the nineteenth century « Vénus hottentote ». It was drawn as indicated by the inscription « according to nature » by Jean-Baptiste Huët, son of the earlier Jean-Baptiste Huët. The latter had three sons, all artists and engravers: Jean-Baptiste Huët, fils, worked with his brothers, especially Nicolas Huët. It seems the present drawing preceded the drawing on vellum attributed to Nicolas Huët, included in the monumental series of the “vélins du roi” in the Museum d’histoire naturelle (Paris, Muséum, Vélins, portefeuille 69, fol. 2). The present watercolor drawing was drawn in March 1815, likely during a posing session at the Museum where Sarah Baartman was exhibited much like an animal or circus attraction, and subjected to ignominious treatment. Sarah Baartman died in December 1815, only a few months after this drawing was made, the drawing constitutes one of the last images of her alive.

Dessin ori­gin­al, pris sur le vif, de Sarah (Saartjie) Baart­man, dite la « Vénus hot­tentote ». Une men­tion au cray­on indique « Dess­iné d’après nature. JB Hüet ». Il est prob­able que ce dessin précède un vélin attribué à Nic­olas Hüet, frère de Jean-Bap­tiste Hüet fils, les deux frères ayant trav­aillé côte à côte lors de séances de pose organ­isées au Museum.

Sarah Baart­man quitta le Cap accom­pag­née du chirur­gi­en milit­aire Alex­an­der Dun­lop et Hendrik Cesars. Elle arriva à Lon­dres en juil­let 1810. Elle fut exhibée dans les foires anglaises où « chacun pouv­ait con­tem­pler le plus mer­veil­leux phénomène de la race humaine » (Blanck­aert, 2013, p. 9), puis à Par­is à partir de septembre 1814, où elle décède dans les derniers jours de décembre 1815. On pratiquera sur son corps un moulage et une dis­sec­tion, y com­pris de ses parties intimes : Georges Cuvi­er fera paraître en 1817 son ouv­rage Extrait d’observations faites sur le cada­vre d’une femme con­nue à Par­is et à Lon­dres sous le nom de Vénus Hot­tentote. Un des « imprésari­os » français de Sarah Baart­man, un cer­tain S. Réaux, « négo­cia auprès des nat­ur­al­istes du Muséum nation­al d’histoire naturelle une séance d’étude et de croquis sur le vif en mars 1815 » (Blanck­aert, 2013, p. 9). L’histoire de Sarah Baart­man fut relatée dans le film Vénus noire (2009) d’Abdellatif Kechiche, illus­trant toute l’ignominie dont elle fut la vic­time de la part d’individus ayant pour alibi la sci­ence et les arts.

Troisième fils de Jean-Bap­tiste Hüet l’aîné, Jean-Bap­tiste Hüet fils est graveur en man­ière de cray­on, de lav­is, et au poin­tillé. Ayant perdu le bras droit, il se mit à graver de la main gauche.

Ce dessin est repris, avec quelques différences dans une aquarelle attribuée à Nic­olas Hüet (frère de Jean-Bap­tiste fils), con­ser­vé dans la col­lec­tion des vélins du Muséum nation­al d’Histoire naturelle, porte­feuille 69, Zoolo­gie – Mam­mi­fères, folio 2, avec les men­tions « Huet. mars 1815 » et « Quart de nature » (aquarelle reproduite dans Blanck­aert, 2013, p. 203, iden­ti­fiée à tort comme une « grav­ure »). Plusieurs autres vélins des porte­feuilles de la col­lec­tion du Museum sont effect­ive­ment attribués à « Nic­olas Hüet » mais sans que les sig­na­tures soi­ent précédées de l’initiale « N ». Tout au plus trouve-t-on dans la série des vélins la sig­na­ture « Hüet fils ».

Dans la Col­lec­tion de mam­mi­fères du Muséum d’histoire naturelle (1808) [Par­is, BnF, S-2740], Nic­olas Huet s’associe à son frère Jean-Bap­tiste Hüet qui grave 55 planches représent­ant une centaine d’espèces de mam­mi­fères d’après les dess­ins de son frère Nic­olas Hüet. Les grav­ures portent les men­tions « N. Huet del[ineavit] » ou « Huet fils del[inavit] » pour le dess­in­ateur et « JB Huet sc[ulpsit] » pour le graveur, tandis que la page de titre stip­ule « Huet fils dess­in­ateur » et « J.-B. Huet jeune ».

Notre dessin porte la men­tion « Dess­iné d’après nature. JB Hüet ». Sig­nalons que la man­ière de sign­er « Hüet » dans le présent dessin, not­am­ment le tracé de la lettre « H », nous parait très proche des sig­na­tures des vélins du Museum, ajoutant à la con­fu­sion quant à l’attribution cer­taine des dess­ins à l’un ou l’autre des deux frères. Il est prob­able que notre dessin ait servi de mod­èle au vélin, trav­ail d’atelier abouti et minu­tieux, pour la col­lec­tion du Museum, et dont il diffère par quelques détails d’importance comme la forme et l’expression du vis­age et de la tête (front, menton, cou), la cour­bure du dos ou encore le sol qui dans le vélin sert de piètement.

Jean-Bap­tiste Hüet l’aîné (1745−1811), peintre nat­ur­al­iste pro­li­fique de la seconde moitié du XVIIIe siècle, eut trois fils : Nic­olas Hüet (1770−1828 (ou 1830 ?)), peintre anim­ali­er dit « peintre de la ména­ger­ie », graveur et dess­in­ateur qui exécuta pour le Muséum nation­al d’histoire naturelle plus de 350 vélins ; Jean-François Mar­ie Hüet (se fais­ant appelé François Vil­li­ers Hüet), peintre mini­atur­iste en Ang­le­terre, et Jean-Bap­tiste Hüet, graveur et dess­in­ateur comme en témoigne le présent dessin. Troisième fils, Jean-Bap­tiste Hüet fils s’associe à son père Jean-Bap­tiste, pour graver les dess­ins du recueil Etudes d’animaux et de pays­ages (1799) [Par­is, BnF, Dept. des estampes, DC-15 (1) – FOL].

Bib­li­o­graph­ie :

Sur Sarah Baart­man, dite « Vénus Hottentote » : 

Blain­ville, Henri de. « Sur une femme de la race hot­tentote », in Bul­let­in des sci­ences par la Société philo­matique de Par­is, 1816, pp. 183 – 190. – Cuvi­er, George. « Extrait d’observations faites sur le cada­vre d’une femme con­nue à Par­is et à Lon­dres sous le nom de Vénus Hot­tentote », in Mém­oires du Muséum d’histoire naturelle, t. 3, 1817, pp. 159 [259]-274. – Denik­er, Joseph, « Les Hot­tentots au Jardin d’Acclimatation », in Revue d’Anthropologie, 3e série, t. 4, 1889, p. 3, fig. 1 (« Esth­er », d’après une pho­to­graph­ie de la col­lec­tion du prince Roland Bona­parte). – Gil­man, Sander. « The Hot­tentot and the Pros­ti­tute. Toward an Icon­o­graphy of Female Sexu­al­ity », in Wil­lis, Deborah (dir.), Black Venus 2010. They called her “Hot­tentot”, Phil­adelph­ie, Temple Uni­ver­sity, 2010 – Mitchell, Robin, “Anoth­er means of under­stand­ing the Gaze. Sarah Baart­man in the devel­op­ment of nine­teenth-cen­tury French nation­al iden­tity”, in Wil­lis, Deborah (dir.), op. Cit. – Crais, Clifton et Pamela Scully, Sara Baart­man and the Hot­tentot Venus. A Ghost Story and a Bio­graphy, Prin­ceton, 2011. – Blanck­aert, Claude, dir. La Vénus hot­tentote entre Barnum et Muséum, Par­is, 2013 (Muséum nation­al d’histoire naturelle. Col­lec­tion archives).

Sur les Hüet, pein­t­res, dess­in­ateurs et graveurs :

Couilleaux, Ben­jamin (dir.). Jean-Bap­tiste Huët. Le plaisir de la nature, Par­is, 2016 [Expos­i­tion Musée Cognacq-Jay. 6 fév­ri­er – 5 juin 2016]. – Gabil­lot, C. Les Hüet : Jean-Bap­tiste et ses trois fils, Par­is, 1892. – Inventaire du fonds français, graveurs du XVIIIe siècle. Bib­lio­thèque nationale, Départe­ment des estampes. Tome onzième, Greuze-Jahan­di­er / par Yves Bru­and et Michèle Hébert…, Bib­lio­thèque nationale (Par­is), 1970, art­icle HUET (Jean-Bap­tiste), le fils, pp. 438.