TISSANDIER, Albert-Charles (1839-1906)

Vue de la façade latérale nord de Notre-Dame de Paris

France, Paris, daté 1879 et signé Tissandier (coin droit inférieur)

Dessin sur papier, crayon, crayon de couleur, rehauts de gouache blanche

Dimensions : 750 × 1020 mm. (Sous encadrement).

Dessin d’architecte, où les détails fois­onnent, vérit­able cliché instant­ané des bords de Seine en 1879, d’une exactitude remarquable. Il est prob­able et pos­sible que l’architecte-dessinateur a réal­isé son dessin d’après photo, dont il était adepte aux côtés de Nadar (nous savons que Nadar, Albert Tis­san­di­er et Gaston Tis­san­di­er ont fait des pho­tos aéri­ennes en 1886). Ce dessin nous offre à voir la façade latérale nord de Notre-Dame avec au pied de la cathéd­rale les façades des immeubles du quai aux Fleurs. On recon­nait encore le 7, 9 et 11 quai aux Fleurs (Par­is, 75004 : le quai aux Fleurs déb­ute au pont Saint-Louis, qui per­met d’assurer une liais­on avec l’île Saint-Louis, et se ter­mine au pont d’Arcole). La tra­di­tion veut qu’au 9, quai aux Fleurs ont vécu Héloïse et Abélard. Les bâti­ments qui joux­tent le 7 quai aux Fleurs ont depuis dis­parus, rem­placés par des con­struc­tions post-hauss­man­ni­ennes, doc­u­ment­ant donc le bâti de l’époque, avant les remanie­ments. Sont aus­si représentés les dili­gences, les bat­eaux sur la Seine et les ensei­gnes le long de ce quai aux Fleurs. Tis­san­di­er a aus­si représenté une pointe de l’Ile Saint-Louis, où les pêch­eurs et badauds déam­bu­lent. Sig­nalons le mer­veil­leux détail dans le rendu de la cathéd­rale, avec un clin d’oeil aux hommes représentés qui s’élèvent vers les cieux, dressés sur le toit d’une des tours de Notre-Dame, défi­ant un ciel tour­menté et rêvant de se his­s­er au-des­sus des nuages.


Albert-Charles Tis­san­di­er (1839−1906) est un archi­tecte, aéro­naute et voy­ageur français. Il est le frère de Gaston Tis­san­di­er, avec qui il a coopéré à la revue La Nature jusqu’en 1905. En 1858, il étud­ie l’architecture à l’Ecole des Beaux-Arts à Par­is. En 1865, il par­ti­cipe à un con­cours pub­lic pour l’exécution d’une fon­taine monu­mentale à Bourges, et reçoit le premi­er prix de 1.000 francs avec la médaille d’or ; son pro­jet fut choisi par le maire-adjoint Paul-Adrien Bourdaloue pour la con­cep­tion du château d’eau à Bourges, inauguré en 1867. Il fut le fidèle com­pagnon et le col­lab­or­at­eur assidu de son frère en s’adonnant à l’aéronautique : le 8 novembre 1868, il effec­tuait, par une tem­pête de neige entre Melun et Par­is, sa première ascen­sion aéro­naut­ique. Pendant le siège de Par­is, Albert Tis­san­di­er con­duis­it un des premi­ers bal­lons-poste. Il quitta Par­is le 14 octobre 1870, dans la nacelle du bal­lon le Jean-Bart, emport­ant avec lui deux voy­ageurs con­fiés à ses soins, MM. Banc et Fer­rand, et 400 kilo­grammes de dépêches, c’est-à-dire, comme il le disait lui-même, « cent mille souven­irs envoyés de Par­is par cent mille familles anxieuses ». Quelques années après, A. Tis­san­di­er pré­para et accom­plit avec son frère l’ascension de longue durée du bal­lon le Zénith, de Par­is à Arcachon (Gironde), ascen­sion qui eut lieu les 23 et 24 mars 1875. Dans cette ascen­sion, il dess­ina, d’après nature, les pays­ages aéri­ens et reproduis­it not­am­ment le curieux spec­tacle de la déform­a­tion de la lune qui venait au-des­sus des nuages dont la sur­face supérieure était unie comme celle d’un lac. Il fit avec son frère une ascen­sion au-des­sus de Par­is en 1878 – l’année précéd­ant le présent dessin de Notre-Dame – des Tuiler­ies à Torcy.


Tis­san­di­er était égale­ment écrivain et voy­ageur pas­sion­né. En 1886, il effec­tua en Amérique un long voy­age, dont il a lais­sé lui-même le compte rendu dans Six mois aux Etats-Unis (Par­is, 1886). En 1888, il vis­ita les Indes, Ceylan et plusieurs autres villes d’Asie dont il rap­porta des illus­tra­tions qui ont paru dans La Nature ; puis il effec­tue des séjours en Chine et au Japon, d’où il rap­porte égale­ment de nom­breux dess­ins. Pour sa part, son frère Gaston Tis­san­di­er a réuni un grand nombre de manuscrits con­cernant l’aérostation (comme la descrip­tion du premi­er vol en mont­golfière par Ben­jamin Frank­lin, qu’il a pub­lié dans La Nature) et de très nom­breux objets relatifs à l’aérostation, pour partie dis­per­sés dans la vente organ­isée par Pierre Ber­gé et Asso­ciés, A la con­quête de l’air : les frères Gaston et Albert Tis­san­di­er. Aéro­nautes et artistes (31 mars 2015). Ce dessin vient com­pléter l’oeuvre con­nue d’Albert-Charles Tis­san­di­er, artiste et archi­tecte, voy­ageur éthéré et érudit polyvalent.