Superbe exemple d’enluminure néo-médiévale réalisée par les sœurs dominicaines d’Etrépagny
[ETRÉPAGNY (Eure)]. [DOMINICAINES]. CONGRÉGATION DES TERTIAIRES DE SAINTE-CATHERINE-DE-SIENNE
Missel noté
En latin, manuscrit enluminé sur parchemin
France, Etrépagny (Eure), daté 1906-1919
56 pp. (48 pp. chiffrés et 8 pp. non chiffrés), parchemin réglé à l’encre rouge, texte sur deux colonnes, finement calligraphié à l’encre noire, écriture à l’imitation du gothique liturgique, rubriques en rouge et or, initiales décorées et peintes, plusieurs lettres rehaussées à l’or liquide, bout-de-lignes à l’or liquide, encadrements enluminés et historiés, avec une pléthore de scènes, extraits bibliques ou extraits tirés de sources dominicaines, armoiries de l’ordre par exemple aux pp. 23, 26, 30 (et passim), plusieurs enluminures, médaillons ou initiales historiées.
Bi-feuillets non reliés, conservés dans un porte-document moderne, travail inachevé. Dimensions de chaque bifeuillet : 357 × 270 mm.
English abstract
[ETRÉPAGNY (Eure)]. [DOMINICAN NUNS]. CONGREGATION OF THE TERTIAIRES OF SAINTE CATHERINE-DE-SIENNE.
Missal (unfinished)
France, Etrépagny (Eure), dated 1906-1919.
In Latin, manuscript illuminated on parchment
The Dominican tertiary congregation of Sainte-Catherine-de-Sienne was established in Etrépagny (diocese of Evreux), a small town located in the Vexin (Normandy). The Nuns were at the head of a thriving and dynamic scriptorium which produced high quality illuminated neo-Gothic and neo-Renaissance manuscripts destined for liturgical devotion or spiritual praise.
Their works were based on models of illuminations circulating in the 19th and early 20th centuries. This unfinished work is still unbound and allows us to see how the talented nuns worked.
La congrégation des tertiaires dominicaines de Sainte-Catherine-de-Sienne à Etrépagny (diocèse d’Evreux), situé dans le Vexin normand, produit au sein de son scriptorium des œuvres enluminées néo-gothiques et néo-Renaissance de grande qualité, se fondant sur les modèles d’enluminures circulant au XIXe et au début du XXe siècle.
La congrégation est fondée en 1878 par Madame de Vatimesnil (Isabelle de Maisons, épouse d’Albert Jean-Baptiste Lefebvre de Vatimesnil), en mémoire de son mari défunt. Proche des cercles légitimistes, Madame de Vatimesnil place la fondation sous la protection de l’Abbé Amette (1850−1920), évêque de Bayeux-Lisieux puis cardinal-archevêque de Paris. Les sœurs lui en seront à jamais reconnaissantes, et lui offriront de nombreux manuscrits enluminés au sein de leur scriptorium. L’érudition des jeunes filles de bonne famille qui entrent dans les ordres se perçoit bien dans ce manuscrit. On connait d’autres manuscrits réalisés par les sœurs dominicaines d’Etrépagny, conservés par exemple au Trésor de la cathédrale d’Evreux ou dans la Bibliothèque capitulaire de Bayeux. Le corpus des travaux réalisés par les dominicaines reste à faire.
Dans un décor néogothique richement orné, les bordures décoratives de chaque page foisonnent d’arabesques, de rinceaux, de végétaux, de grotesques, ou encore de médaillons représentant des portraits et des scénettes religieuses. L’élégance des silhouettes, l’harmonie des couleurs, et la minutie du décor participent à la grande valeur artistique de ce travail réalisé par les dominicaines de Sainte-Catherine-de-Sienne d’Etrépagny. Tout en empruntant aux styles roman et gothique de l’enluminure médiévale, ces feuillets manuscrits enluminés sont un vibrant témoignage du renouveau de l’enluminure du début du XXe siècle.
Les sœurs travaillaient certainement à partir de modèles et de revues spécialisés : on dénote l’influence évidente des manuscrits normands et insulaires. Le fonds d’atelier que nous conservons (étudié par N. Trotin), notamment les calques et les dessins préparatoires, atteste de ces modèles : la représentation de sainte Catherine de Sienne (p. 45) prend directement sa source iconographique des modèles manuscrits et gravés. Les scènes d’Annonciation (p. 39) et du Couronnement de la Vierge (p. 42) prennent leur source dans les tableaux plus tardifs de la Renaissance, notamment ceux de Fra Angelico puis ceux de Raphaël. On relèvera le Noli me tangere (p. 25) qui puise de toute évidence sa source dans la fresque de Fra Angelico.
Plusieurs feuillets sont ornés du blason de l’ordre des Dominicains : D’argent, à la chape de sable, l’argent chargé d’un chien de même, tenant dans la gueule une torche enflammée, la patte senestre sur un globe d’azur et couché sur un livre de gueules, accompagné d’une palme de sinople et d’un lys au naturel passés en sautoir dans une couronne d’or, et une étoile d’or en chef.
Sur ce scriptorium, voir les travaux en cours de Nicolas Trotin, « Quand les dominicaines de la Congrégation de Sainte Catherine de Sienne enluminaient des manuscrits » (communication dans le cadre des Ymagiers (CNRS/IRHT, organisation Claudia Rabel).