[BOULANGERIE]. [BRETAGNE]. [CONFRÉRIES].
Enluminure pour un compte rendu des prévôts sortants de la confrérie des maîtres boulangers de Rennes pour l’année 1658
En français, document sur parchemin
France, Bretagne (Rennes), daté 1659
Feuillet unique de parchemin, texte copié en lettres capitales et en italiques (encre rouge), texte et miniature encadrés par une bordure enluminée (frises de fleurs [tulipes, iris, anémones, œillets, roses] et feuillages, au naturel sur fonds réservé). Dimensions : 255 × 395 mm (dim. De la miniature 148 × 152 mm).
English abstract
[BAKERY]. [BRITTANY]. [CONFRATERNITIES].
Illumination for an account rendered by the former provosts of the confraternity of Bakers of Rennes for the Year 1658
In French, illuminated document on parchment France, Brittany (Rennes), dated 1659
Single leaf, parchment, text copied in capital letters and italics (red ink), text and miniature placed in an illuminated frame (flowers [tulips, iris, anemones, carnations, roses] and leafy ornaments on a reserved ground). Verso blank with the exception of a few ink inscriptions.
Dimensions: 255 × 395 mm (dim. of miniature: 148 × 152 mm).
Rare popular image used as a frontispiece for a register of accounts rendered by the provosts of the confraternity of « maîtres boulangers » of Rennes in
1658. This illuminated document underscores the solemnity of the changing of provosts within the confraternity at the end of the former provosts’ mandate.
The confraternity of bakers was especially powerful given the nature of the profession, in charge of the people’s most basic staple which was bread.
Documents concerning this confraternity and corporation are scarce.
Miniature : Deux saints figurés en pied : Saint Jean l’Evangéliste, avec ses attributs (une coupe empoisonnée et un aigle portant un nécessaire à écrire) et Saint Honoré d’Amiens, avec des attributs à ses pieds (un heaume, une couronne et un fanion avec trois croissants). Entre les deux saints, les armoiries de la sénéchaussée de Bretagne (parti au premier d’azur à trois fleurs de lys d’or et au second d’hermines), avec le collier de l’Ordre de Saint-Michel. Le sénéchal de Bretagne recevait les serments des nouveaux maîtres. Saint Honoré d’Amiens était le saint patron des boulangers, fêté à travers le royaume le 16 mai (« A la Saint-Honoré, tous les enfants sont boulangers »). Curieusement, saint Honoré n’est pas représenté coiffé d’une mitre comme à l’habitude. Au XVe siècle, la première confrérie des boulangers fut érigée à Paris en l’église Saint-Honoré.
Texte : « Compte tant en charge que en decharge que rendent et presentent honorables personnes Jean Cohan & Guillaume Heraut provost de la Confrairie des maitres boulangers de cette ville et fauxbours de Rennes en l’an qui a commancé le jour et feste de l’asumtion de nostre dame 1658 et finy a pareil jour 1659 auxdits maitres boulangers et a honorables personne [sic] Jean Chauvigné et Edouart Jehaut [et au verso] a presant provostz de la dicte Confrairie, de la gestion par eux faicte pendent l’an de leur charge… ».
Mention dorsale (suite du texte au recto) : « A presant provostz de la dicte Confrairie de la gestion par eux faicte pendent l’an de leur charge » (non calligraphié, à l’encre brune).
Ce type de document servait de frontispice aux registres de comptes rendus par les prévôts d’une confrérie. Celui-ci concerne la confrérie des maîtres boulangers de Rennes pour l’année 1658. Ce document se devait d’être enluminé et reflétait la solennité de la passation de pouvoir entre prévôts.
Notons que, contrairement à la confrérie des marchands merciers de Rennes, fort peu de documents concernant la gestion et le cérémonial de la puissante confrérie des boulangers de Rennes semblent avoir été conservés. Pour la confrérie des marchands merciers de Rennes, on conserve une collection quasi ininterrompue de livres de compte de 1452 à 1739 (Rennes, Archives municipales, 11 Z. Fonds des marchands merciers). Plusieurs de ces livres de compte sont ornés de frontispices enluminés présentant une communauté de style et de sujet.
A Rennes, comme dans la plupart des centres urbains dès le Moyen Age, les métiers majeurs – ceux dont les maîtres étaient les plus nombreux et les plus riches – s’organisèrent en confréries, en communautés ou corporations en jurande. Leurs privilèges, leur organisation, en firent une véritable aristocratie ouvrière. C’est dans le courant des XVIe et XVIIe siècles que se forment à Rennes la plupart des communautés d’artisans en jurande, rédigeant et faisant approuver leurs statuts. Les boulangers étaient constitués en corporation en jurande : par exemple en 1755, il y avait à Rennes 75 maîtres boulangers. En 1776, le nombre de maîtres boulangers passe à 121 (voir Rébillon, 1902, p. 21). Ces maîtres sont en général aisés, contrairement à d’autres corporations dont les maîtres vivent dans la gêne (Rébillon, 1902, p. 22). En 1755 – donc près d’un siècle après la réalisation de ce document – la ville de Rennes possédait vingt-quatre métiers organisés en communautés jurées.
Dans les faits, dès le XIVe siècle, les boulangers se sont regroupés en « frairies » ou confréries. La confrérie de « Notre-Dame de Meaoust » (de l’Assomption ; nommée pour sa date du 15 août [à la mi-août]) était tenue par les boulangers. Toutefois les boulangers n’eurent de « statuts » à proprement parler qu’à partir de 1454 (Rébillon cite les Archives municipales de Rennes, liasse 183 ; la plus ancienne jurande attestée à Rennes semble être celle des gantiers boursiers, dont les statuts sont approuvés par le duc Jean IV, en 1395). Les confréries (association d’artisans d’un même métier à vocation religieuse et charitable) régissaient la participation des maîtres à des services religieux, la célébration des funérailles des membres de la corporation et les secours ou œuvres de charité accordés aux membres et leurs familles. Les membres d’une confrérie participaient au culte d’un ou plusieurs saints patrons (ici saint Jean l’Evangéliste et saint Honoré). Les corporations ou communautés en jurande, munies de statuts, regroupent tous les professionnels exerçant localement le même métier, du maître aux apprentis (« valets » ou « compagnons ») : ces communautés avaient pour fonction d’édicter les règlements régissant l’admission des nouveaux maîtres, l’exercice du métier et la gestion des monopoles. Pour se protéger ou s’affirmer face aux maîtres, les « salariés » auront tendance à se doter de leurs propres structures associatives dites de compagnonnage. Notre document évoque clairement le terme « confrairie », laissant supposer qu’il existait aussi une communauté en jurande pour les boulangers. Quelles que soient les prescriptions des différentes associations, elles se devaient de tenir des documents comptables et rendre compte des dépenses de confréries et tous les frais afférents.
Le présent compte fut copié et présenté un an seulement avant la promulgation des « Statuts des boulangers de Rennes 1660 », dont voici un extrait :
« Déclarations des articles et statuts faits par les maîtres boulangers de cette ville et faubourgs de Rennes, lesquels ils supplient Monsieur le Sénéchal de Rennes, vouloir voir et visiter et donner avis au roi suivant les édits. Seigneur et privilèges leur octroyés par feu de bonne mémoire Pierre, duc de Bretagne que Dieu absolve. Donnés à Malestroit le 23 septembre 1454 et depuis, successivement, par les ducs, rois et princes du pays.
[I] Et premier. Qu’il sera à l’avenir permis aux boulangers, habitants de la ville de Rennes, maîtres du métier, reçus et jurés d’avoir corps et collège, faire assemblées pour les affaires conduites en direction de leur métier ; sans toutefois faire monopole n’y avoir aucune intelligence au préjudice de la police.
[II] Qu’ils choisiront 12 maîtres experts du métier, qui seront jurés par devant Monsieur le Sénéchal ou alloués, lesquels 6 d’entre eux en absence des autres pourront assister avec les prévôts et revisiteurs pour faire la visitation de mois en mois par les boutiques des maîtres pour la netteté de celles-ci, et faire rapport des abus qui s’y commettent [..] ».
Les Statuts des boulangers de 1660 font bien mention des prévôts (« provostz » dans le document) : ceux-ci administraient à la fois la confrérie et la communauté en jurande. Les maîtres étaient réunis en assemblées plus ou moins obligatoires. Les prévôts avaient pour tâche de recevoir les nouveaux apprentis et les nouveaux maîtres, et d’apprécier leur « chef-d’œuvre ». Ils géraient le budget et dans le mois qui suivait leur sortie de charge, les prévôts avaient l’obligation de rendre leurs comptes devant l’assemblée générale des maîtres. Elus par la totalité des maîtres, ils étaient au nombre de deux pour les boulangers.
Bibliographie : Rébillon, A. « Recherches sur les anciennes corporations ouvrières et marchandes de la ville de Rennes », in Annales de Bretagne, 1902, vol. 18, no. 1, pp. 1 – 48 ; 1903, vol. 19, no. 1, pp. 53 – 98 (en particulier chapitre VI : La confrérie) – Hamon, T. « Corporations et compagnonnage en Bretagne d’Ancien Régime », in Mémoires de la Société d’Histoire et d’Archéologie de Bretagne (S.H.A.B.), Rennes, 1999, t. 77, pp. 165 – 221. – Sur la corporation des maîtres-boulangers, voir Ogée, Dictionnaire historique et géographique de Bretagne, Rennes, 1845, vol. II, p. 534. Lien vers la série 11 Z des Archives municipales de Rennes (Comptes de la confrérie des marchands merciers de Rennes) : http://www.archives.rennes.fr/archives-et-inventaires/explorer-lefonds-d-archives/