Version initiale et inédite de la comédie La Pupille jouée au Théâtre-Français en 1734.

[FAGAN Christophe-Barthélémy (attribué à)]. [THEÂTRE].

La Pupille. Comédie en un acte.

France, s.l.n.d. [1733-1734]

In-6 ; f. de titre et distribution, 26 ff., 1 f. bl., encre brune sur papier vergé, (4 cahiers réunis)

Dimensions : H. 232 × L. 180 mm.

English abstract

[FAGAN Christophe-Barthélémy (attributed to)].
La Pupille. Comédie en un acte.


In French, manuscript on paper
France, s.l.n.d. [1733-1734]


Original and unpublished version of the comedy La Pupille played at the Théâtre-Français in 1734. The numerous additions and corrections found in the manuscript suggest that it is a working manuscript by Christophe-Barthélémy Fagan (1702-1755) :

“Cette pièce a servi de canevas à celle de Fagan, donnée au François en 1734”.

The complete play, rewritten, was published in Paris, Chaubert, 1734.

Dans ce manuscrit – dont une men­tion, d’une autre main, sur le feuil­let de titre « Cette pièce a servi de canevas à celle de Fagan don­née aux François en 1734 », fait état de premi­er jet –, la première scène voit le per­son­nage de Julie, la pupille, révéler son amour pour Géronte, son tuteur, à Lis­ette sa ser­vante. Elle a alors seize ans et lui cin­quante. S’ensuit une dis­cus­sion entre Julie et son tuteur où celle-ci tente, impli­cite­ment, de lui révéler ses sen­ti­ments. Comme dans la pièce finale, Julie se déclare mais Valère entre. Sur­git alors le qui­proquo : Géronte pense qu’il s’agit de Valère et Lis­ette pense que Géronte sait et approuve son uni­on avec Julie. Dans la scène VII, Valère découvre la supercher­ie et Julie découvre la méprise de Lis­ette. Valère trouve alors Géronte pour lui faire entendre les révéla­tions de Julie. Mais ce derni­er reste inaud­ible. Dans la scène XII, Julie lui dicte une lettre de façon à se révéler une nou­velle fois auprès de Géronte (scène XIV finale) qui com­prend enfin et finit par accepter cet amour. Valère, mag­nanime, bén­it leur uni­on : « vos sen­ti­ments se raportent trop. Votre façon de penser est la même. Tous deux aus­si estim­ables l’un que l’autre et la Vertu vous rap­proche plus que l’âge ne vous sépare. »

Les nom­breux ajouts et cor­rec­tions qui se trouvent dans le manuscrit lais­sent à penser qu’il s’agit d’un manuscrit de trav­ail de Chris­tophe-Barthélémy Fagan. Dans cette pièce, l’arrière-fond jur­idique du con­sente­ment néces­saire du tuteur donne son relief à l’intrigue, et est expli­cité par un cer­tain nombre de répliques du tuteur même. En effet, sous l’Ancien Régime, la ques­tion du con­sente­ment par­ent­al au mariage des mineurs est très con­testée entre le Roi de France et l’Église.

Seuls les per­son­nages ini­ti­aux de Julie, Lis­ette et le laquais ont été con­ser­vés par Fagan lors de la rédac­tion finale de sa pièce. En effet, Géronte est rem­placé par Ariste et Valère est nom­mé « Le Mar­quis ». Un nou­veau per­son­nage entre en jeu afin de ren­for­cer le comique de situ­ation : Orgon, oncle de Valère.

La pièce finale com­prend tou­jours un acte mais il y a finale­ment 21 scènes. Elle déb­ute avec la déclar­a­tion du mar­quis à son oncle Orgon au sujet de son amour pour Julie. Le qui­proquo sur­git bien plus rap­idement : Ariste croit que Julie aime en retour Valère alors que non, et incom­préhen­sion de la part de Valère face aux révéla­tions de Julie. Puis le qui­proquo touche Orgon, oncle de Valère, d’après les dires de Lis­ette qui se méprend.

Une lettre dictée par Julie à Ariste et dont les pro­pos lui sont des­tinés va tomber dans les mains de Valère. Finale­ment, tout est découvert et Ariste demande la main de Julie qu’elle accepte. Ariste com­prend dès lors que la déclar­a­tion que Julie lui a faite sur son amour lui était destinée.

La comédie s’achève sur une mor­ale de Julie (Diver­tisse­ment) : « Le vie­il­lard est plein de bon sens,/ Mais il est jaloux & sauvage./ Si le jeune a des agremens,/ Il est fou, bizarre, & volage./ Qu’il est dif­fi­cile, en ce temps,/ D’avoir un Epoux qui soit sage !/ S’ils peuvent l’être à quar­an­te ans,/ Le mien est du bon âge. »

À la lec­ture du manuscrit, nous com­pren­ons pour quelles rais­ons Fagan chois­it finale­ment de mod­i­fi­er sa pièce, not­am­ment afin de changer la rythmique de celle-ci. Le qui­proquo va vérit­a­ble­ment devenir le comique de situ­ation et va s’intensifier not­am­ment avec l’arrivée du nou­veau per­son­nage d’Orgon. De plus, le change­ment du nom du tuteur de Julie de Géronte à Ariste est cal­culé : Géronte laisse trop de place à l’idée que l’on se fait dans la comédie d’un vie­il­lard grinch­eux alors que l’Ariste de Fagan va repren­dre presque tex­tuelle­ment l’attitude de son alter ego inventé par Molière dans L’École des mar­is en 1661.

La dynamique de la pièce jouée au Théâtre-Français trouve son essence dans les 21 scènes qui se suc­cèdent dans un rythme effréné, con­traire­ment aux 14 originelles.

La Pupille, en un acte et en prose, eut un grand suc­cès le 5 juil­let 1734 lors de sa première représent­a­tion, en partie grâce au jeu de mademois­elle Gaussin (1711−1767) inter­prétant Julie, rôle qui lui a été con­fié par Fagan. D’Arnaud lui com­posa alors les vers suivants après la première représent­a­tion : « En ce jour, pupille adorable,/Que ne suis-je votre tuteur ?/​Un seul mot, un soupir, un regard enchanteur,/ Ce silence élo­quent, cet embar­ras aimable,/ Tout m’instruirait de mon bonheur,/ M’embraserait d’une flamme inno­cente :/​Une pupille aus­si charmante/​Mérite bien le droit de touch­er son tuteur. ».

Chris­tophe Barthelemy Fagan, de son vrai nom Fagan de Lugny, est né à Par­is en 1702. Après une place au bur­eau des con­sig­na­tions du Par­le­ment de Par­is obtenue par son père, Chris­tophe-Barthélémy Fagan prend goût au théâtre et com­posera une trentaine de pièces, représentées pour la plu­part au théâtre de la foire, au Théâtre-Itali­en et au Théâtre-Français. En 1734, année de représent­a­tion de La Pupille, Fagan pub­lie deux autres comédies parmi ses premières produites au Théâtre français (1733) : La Grondeuse et Per­rette & Lucas. Il écri­ra treize comédies à l’Opéra-comique et fera beau­c­oup jouer M. Panard (not­am­ment dans Le Syl­phe sup­posé en 1730 et Le Bad­in­age de 1731), et M. Fav­art dans La Ser­vante jus­ti­fiée en 1740. Il meurt en 1755 et son éloge sera fait par M. Pess­e­li­er, à la tête de l’édition des Pièces de Théâtre.

Jean Hankiss, dans son ouv­rage sur Phil­ippe Néri­cault Destouches (Par­is, 1981), explique que « […] « la Pupille » (1734) qui res­t­eront au réper­toire, plairont sur­tout par leur cara­ctère de petites pièces agré­ables et sans préten­tions ». Mal­heureuse­ment oublié de la scène théâtrale à la fin de l’Empire, ce manuscrit tente de redon­ner ses lettres de noblesses à Fagan. Notons que ses pièces ont été mar­quées par l’œuvre de grands dram­at­urges comme Molière ou encore Marivaux, dans le choix des per­son­nages comiques (Géronte, per­son­nage de comédie qui représente la vie­il­lesse (il sera util­isé tout au long du XVIIe siècle, par Molière (1666) mais aus­si Corneille (1644)). Molière util­isera égale­ment, en 1666 et 1668, le per­son­nage de Valère, dans Le Méde­cin mal­gré lui et L’Avare), le genre du comique de situ­ation, ou encore dans la thématique de la pupille à mar­i­er (L’École des mar­is (1661) et L’École des femmes (1662)).

Voir : FAGAN, Barthélemy-Chris­tophe, La pupille, comédie. Par Mon­sieur Fagan. Représentée pour la première fois le 5 du mois de juil­let 1734, Par­is, Chaubert, 1734 (exem­plaire in-8 de 60 pages à Par­is, Bib­lio­thèque nationale de France, cote 8-YTH-14951).

Bib­li­o­graph­ie : HUR­TAUT Pierre Thomas N., & MAGNY, Dic­tion­naire his­torique de la ville de Par­is et de ses environs…, tome I, Par­is, chez Moutard, 1779, p. 446 ; CLERC Albert, Barthélemy-Chris­tophe Fagan, auteur-comique, 1702 – 1755. Con­tri­bu­tion à l’histoire de la comédie en France au XVIIIe siècle, Par­is, E. de Boc­card, 1933.