L’amour des fleurs

[SOUFFLOT (Élisabeth Amélie) (1796-1880)], [d’après Pierre-Joseph REDOUTÉ]

Fleurs de pommier

Aquarelle sur vélin, signé « Amélie »

France, 18 mai 1828

Dimensions : 270 × 216 mm.

Mention manuscrite au revers « Fanny Soufflot », et marque du rentoileur d’origine « A la palette de Rubens, rue de Seine, n°6, près le Pont des Arts, à Paris, Alph. Saint-Martin, Successeur de M. Leroy, Tient Magasin de Couleurs, de Papiers, et tous les Objets relatifs à la Peinture, au Dessin et à la Papeterie, fabrique les Couleurs à l’huile et en tablettes, de même préparées en écaille pour la Miniature, Fabrique de Pinceaux pour le Lavis, l’Aquarelle et la Miniature, nétoie les Graveurs, colle les Dessins, fait le Papier pour dessiner, à la manière de Friche, rentoile les Tableaux, et se charge de leur restauration. On trouve chez lui un Assortiment de Brosses et de Toile de la meilleure fabrication, et des Bordures dorées de toutes mesures, des Médaillons pour la Miniature, des Maquettes de toutes les grandeurs, et des Couleurs pour la Porcelaine. Il vend et loue des Manequins » [l’enseigne « A la Palette de Rubens », tenue par Alphonse de Saint-Martin, marchand de tableaux sous la Restauration, fut établie au 6 rue de Seine de 1826 à 1843].

Au dos de cette aquarelle, on trouve la men­tion « Fanny Soufflot ».

Louise Fanny Souf­flot (1798−1882) est fille de Julie Souf­flot, née Bayard de For­t­erre d’Egriselles, gouvernante des Enfants de France, au ser­vice du roi de Rome, fils de Napoléon Ier et de l’impératrice Mar­ie-Louise, né en 1811 (il meurt à Vienne en 1832). Fanny Souf­flot secondait beau­c­oup sa mère auprès du petit hérit­i­er, au point de gag­n­er le cœur de l’enfant. (C. Lefèvre-Pon­tal­is, « Fanny Souf­flot et le roi de Rome », in Revue des Deux Mondes, juil­let 1961, pp. 121 – 128) : elle avait 16 ans lors du départ du roi de Rome pour l’Autriche. Le roi de Rome écriv­it une lettre le 17 jan­vi­er 1816 à sa gouvernante qu’il a quit­tée face à la pres­sion des Autrichi­ens qui ne voulaient plus de Français autour du prince :

« Ma chère Toto [Madame Souf­flot], je vous aime tou­jours beau­c­oup ; nous par­lons souvent de vous et je vous embrasse, ain­si que Fanny, de tout mon cœur. »

Mar­ie-Louise ajoute à la lettre cette note : « Nous par­lons souvent de vous et je lui dit [au roi de Rome] toute la recon­nais­sance que nous vous devons tous deux, pour les soins que vous avez bien voulu lui rendre, ain­si que Fanny. » (H. Welschinger, Le Roi de Rome (1811−1832), 2018, p. 369).

Il est prob­able que ce soit Elisa­beth Amélie Souf­flot (1796−1880), sœur de Louise Fanny Souf­flot qui signe cette aquarelle sur vélin le 28 mai 1828. « Amélie » peint un bou­quet de fleurs de pom­mi­er. La flo­rais­on du pom­mi­er inter­vi­ent au mois d’avril. La sym­bol­ique du prin­temps cor­res­pond avec la data­tion de cette aquarelle. Elle copie une aquarelle de Pierre-Joseph Redouté (fleurs de pom­mi­er), fig­ur­ant dans l’ouvrage Choix des plus belles fleurs prises dans différentes familles du règne végétal et de quelques branches des plus beaux fruits groupées quelque­fois, et souvent anim­ées par des insect­es et des papil­lons (Par­is, Panck­oucke, 1827, planche 110), dédié aux alt­esses roy­ales les prin­cesses Louise et Mar­ie d’Orléans, filles de Louis Phil­ippe et de Marie-Amélie.

Élisa­beth Amélie Souf­flot était-elle une élève de Pierre-Joseph Redouté à l’instar de Louise d’Orléans (1812−1850), future reine des Belges ? Les leçons d’aquarelle, don­nées dans l’atelier du peintre, rue de Seine Saint-Ger­main à Par­is, voy­aient afflu­er de très nom­breuses jeunes filles et dames de l’aristocratie. Redouté les men­tionne d’ailleurs dans son « Aver­tisse­ment » : « […] L’iconographie, si utile […] à l’étude de la bot­a­nique, embel­lit de ses grâces les plus riches produits de l’industrie, […]. Sans cesse occupé d’encourager les élèves nom­breux et les pro­fes­seurs qui s’empressent de suivre mon cours d’iconographie, […] » (Aver­tisse­ment du Choix des plus belles fleurs prises dans différentes familles du règne végétal […], Par­is, 1827 – 1833).

Nous savons que l’impératrice Mar­ie-Louise, qui retint Julie Souf­flot comme gouvernante des Enfants, a été élève de Pierre-Joseph Redouté (E. Hardouin-Fugi­er, The Pupils of Redouté, Lon­dres, 1981, p. 51). Elle a pu, par con­séquent, par la pro­fonde affec­tion qu’elle avait pour les jeunes filles Souf­flot, leur faire béné­fi­ci­er aus­si de cours auprès de l’artiste bot­an­is­te. Autre pos­sib­il­ité : Elisa­beth Amélie Souf­flot a pu effec­tuer son aquarelle d’après le mod­èle du Choix des plus belles fleurs… (1827), puis le don­ner à sa sœur Fanny Souf­flot dont le nom fig­ure au dos de l’aquarelle. Fanny Souf­flot deviendra par mariage le 25 septembre 1828, Mme Lefèvre-Pon­tal­is, peu de temps après la réal­isa­tion de la présente aquarelle. Sa sœur Élisa­beth Amélie Souf­flot épouse en 1821 Jean Bap­tiste Prosper Jol­lois, ingénieur ayant par­ti­cipé à la Cam­pagne d’Egypte.