Dévotion d’un homme pour une sainte

GUÉRANGER Dom Prosper-Louis-Paschal (Abbé de Saint-Pierre de Solesmes)

Sainte Cécile et la société romaine aux deux premiers siècles

Paris, Librairie de Firmin-Didot et Cie, 1879

In-4, 590 pages, complet, deux chromolithographies, six planches en taille-douce, et deux cent cinquante gravures. Reliure de plein cuir marron glacé et peint, plats décorés, sur le plat supérieur reproduction de « L’Ouïe » d’après la tapisserie de « La Dame à la licorne » (Paris, Musée de Cluny), sur le plat inférieur colombe du Saint-Esprit et semé de flamettes. Dimensions : 290 × 205 mm.

Dom Prosper-Louis-Paschal Guéranger (1805−1875), moine béné­dictin français, est à l’origine de la res­taur­a­tion de l’ordre béné­dictin en France, dont les mon­astères avaient été supprimés lors de la Révolu­tion française (par décret du 13 fév­ri­er 1790).

L’intérêt du moine français pour Cécile mar­tyre romaine a com­mencé par une illu­min­a­tion intérieure : à Rome, en août 1843, sainte Cécile elle-même révéla subite­ment sa beau­té spirituelle à dom Guéranger. Un moine de l’abbaye de Solesmes a rap­porté dans ses Souven­irs : « [Dans les années 1860], la piété envers sainte Cécile était vive dans le mon­astère. Dom Guéranger avait déjà pub­lié sa Vie de sainte Cécile…et était tout plein d’un amour che­val­er­esque pour celle qu’il appelait sa Dame. Quand on l’assistait à la messe et que le nom de sa chère sainte arrivait sur ses lèvres au Can­on, il le pro­nonçait avec une fer­veur qu’il était impossible de ne pas noter. […] Sainte Cécile n’avait alors à Solesmes ni abbaye ni église ni autel, mais on con­ser­vait pré­cieuse­ment une [petite] réduc­tion de la célèbre statue de Maderno et des linges pré­cieux, reliques de la sainte. Quand la fête de sainte Cécile arrivait, on expo­sa­it la relique et la statue. Et chaque année, à moins d’obstacles insur­mont­ables, une dame arrivait d’un petit château voisin, apport­ant à sainte Cécile un beau bou­quet, formé avec les dernières fleurs de son jardin. Elle était accom­pag­née de deux petites filles dont l’une, quelque douze ans après, devait être Mme Cécile Bruyère, abbesse de Sainte-Cécile de Solesmes » (Guepin (Dom Alphonse), abbé de Silos. Dom Cou­tur­i­er et le novi­ci­at de Solesmes, 1858 – 1862, Souven­irs de ma jeun­esse mon­ast­ique, Abbaye de Silos, ms. no 187, com­posé entre le 20 mars et le 7 avril 1904).

L’ouvrage puise sa source prin­cip­ale dans la Pas­sion de sainte Cécile rédigée au Ve siècle. De cette source ont émané tous les textes litur­giques, lat­ins ou grecs, hon­or­ant la vierge romaine.

De l’enthousiasme de Dom Guéranger, abbé de Solesmes, pour sainte Cécile va naître en 1849 la paru­tion d’une His­toire de sainte Cécile, vierge romaine et mar­tyre. Une seconde édi­tion revue et aug­mentée paraît en 1853. Dès l’année suivante, la découverte de l’emplacement prim­itif du tombeau de Cécile par l’archéologue Jean-Bap­tiste de Rossi, dans le cimetière de Cal­liste pro­voque la joie du Père Abbé. Son enth­ousi­asme atteint son par­oxysme lor­sque, lors de son voy­age à Rome de 1856 le 26 avril, Pie IX lui per­met de célébrer la messe à l’emplacement même du premi­er tombeau de sa mar­tyre. En 1873, la troisième édi­tion de Sainte Cécile sera la dernière du vivant de Dom Guéranger. Elle est con­sidér­able­ment aug­mentée grâce aux découvertes du che­va­lier de Rossi. La présente cin­quième édi­tion parait en 1879.

La décision de pla­cer les moniales béné­dict­ines de Sainte-Cécile de Solesmes sous le pat­ron­age de Cécile prouve l’importance prim­or­diale de sainte Cécile pour Dom Guéranger. L’abbé Guéranger est con­vain­cu que les vertus généreuse­ment pratiquées par sainte Cécile sont de celles qui peuvent for­ger d’authentiques moniales, de vraies filles de l’Église : la pureté du cœur, force et sérén­ité et amour de l’Église.

Le choix de la reli­ure représent­ant la scène de l’Ouïe d’après la célèbre tapis­ser­ie médié­vale de la Dame à la licorne dans lequel la Dame joue d’un petit orgue (Par­is, Musée nation­al du Moy­en Âge) n’est pas anod­in : sainte Cécile était la pat­ronne des musi­ciens. Les tapis­ser­ies sont classées par Prosper Mérimée en 1841, sur l’initiative de George Sand, voisine du Château de Boussac où elles étaient con­ser­vées, puis acquises par le Musée de Cluny en 1882 par le con­ser­vateur Edmond du Som­mer­ard. Cette reli­ure sur l’édition de 1879 de l’ouvrage de Dom Guéranger a pu être faite au moment de l’entrée des tapis­ser­ies au musée de Cluny. On rap­pellera que l’hôtel de Cluny rel­ev­ait à l’origine de Cluny, abbaye béné­dict­ine, du même ordre que l’abbaye de Solesmes, dont Dom Guéranger était abbé.

Proven­ance :

Men­tion manuscrite en première page : « Guil­laume de Courcel. 3 mai 1923 don­né par son oncle M. Jacques Bacot. » Ex-lib­ris en face de cette autre men­tion : « Mais­on Bou­asse-Lebel. Lecène & Cu. 29 rue Saint-Sulpice. Paris. »

Voir : Lemen­ant des Chesnais, Louis, Orais­on fun­èbre du révéren­dis­sime père dom Prosper-Louis-Paschal Guéranger, res­taur­at­eur de l’Ordre béné­dictin en France… : pro­non­cée à Mar­seille, le 4 mars 1875 […], Mar­seille, 1875.