


Jeanne Chalons : une mystique laïque
LEBRUN Dominique (Révérend-Père)
Recueil de la vie et de la conduite spirituelle de feu Madame Jeane Chalons, femme de Monsieur Danthecourt, marchand de soie à Paris, décédée le sixième juin 1675 âgée de 65 ans
En français et citations en latin, manuscrit sur papier
France, sans doute Paris, fin du XVIIe siècle
In-quarto de [8] ff. de titre, de dédicace et d’avis au lecteur et 309 pp., précédés de [4] ff. de garde et suivis de [3] ff. de garde (pagination de l’époque, à l’encre, de la main du texte – erreurs de pagination rectifiées au crayon à papier) ; manuscrit complet, écriture cursive, 23-24 lignes à la page environ (justification : 165 × 95 mm), réclames, nombreuses citations latines dans les marges. Reliure de l’époque de plein maroquin noir, plats ornés à la Du Seuil d’un double encadrement de triple filet doré avec fleurons aux angles, dos à cinq nerfs cloisonné et orné, roulette dorée sur les nerfs, compartiments ornés de fleurons et de petits fers, pièce de titre de maroquin noir, roulette dorée sur les coupes, doublures et gardes de papier marbré, tranches dorées sur marbrure (mors fendu et coins frottés). Dimensions : 230 × 174 mm.
Texte inédit. La composition de l’ouvrage, notamment la dédicace et l’avis au lecteur font penser que le présent manuscrit était destiné à la publication.
Dominique Lebrun, dominicain (1611−1688) fait ici l’éloge de la vie de Madame Jeanne Chalons, épouse de Monsieur Danthecourt marchand de soie à Paris. Celle-ci fut la bienfaitrice des religieuses augustines de Notre-Dame de la Miséricorde qui lui valut de reposer dans la chapelle de ces dernières (voir le chapitre : « De charitables soins de Madame d’Anthecourt pour le service et le soulagement des vertueuses filles et religieuses de Nostre Dame de la Miséricorde establies dans le faubourg Saint Germain »).
Ce récit fait de Jeanne Chalons une véritable « mystique laïque ». On citera certains des chapitres du texte : « De la conduite chrestienne de Madame d’Anthecourt dans l’exercice de l’oraison mentale » ; « De la conduite de Madame d’Anthecourt dans la pénitence et ses mortifications » ; « La conduite que Madame Danthecourt a tenüe pour vaincre ses imperfections & faiblesses naturelles par la fidelité quelle a observée aux maximes quelle s’estoit proposées et qui luy avoient esté données pour estre vertueuse et se conserver dans l’esprit intérieur » ; « Des sentiments humbles, et eslevéz que Madame d’Anthecourt avoit dans son cœur, et que sa main nous fait connoitre par un escrit trouvé dans son cabinet après sa mort… » ; « De la douceur de cœur et d’esprit avec laquelle Madame d’Anthecourt a receu les rebuts durant sa vie, ou de la tendresse et amour quelle avoit pour ceux qui luy faisoient du mal » ; « Des saints visages que Madame d’Anthecourt a fait de ses infirmités corporelles ».
La Bibliothèque nationale de France conserve le manuscrit original autographe du Recueil de la vie et de la conduitte chrestienne de feu Madame Jeanne Chalons d’Anthecourt… sous la cote BnF, NAF 4128. Une copie de l’époque est conservée à Paris, Bibliothèque de l’Arsenal, ms. 3994.
Né à Paris en juin 1611, Denys Le Brun commence à fréquenter, au cours de ses humanités, le Couvent de l’Annonciation de la rue du Faubourg-Saint-Honoré qu’il intègre dès sa dix-huitième année. Le 25 août 1646, il est nommé prédicateur général pour « toute la France, toute la Lorraine et les pays voisins » (cf. Correspondance des maîtres généraux de l’ordre des Prêcheurs, ms. de M.-D. Chapotin, bibl. du Saulchoir). En juin 1683, il est réélu prieur de Saint-Honoré. Il poursuit son œuvre de prédicateur et de confesseur-directeur de moniales, particulièrement des chanoinesses hospitalières de Saint-Augustin, parmi lesquelles il a deux sœurs. Considéré comme un religieux à la sagesse admirable, Le Brun fut notamment le confesseur de Mme Pollalion, proche de Vincent de Paul et fondatrice de l’œuvre de la Providence.
Un des fils de Jeanne Chalons (épouse Danthecourt), Jean-Baptiste Danthecourt, fut religieux à Sainte-Geneviève puis Chancelier de l’Université de Paris entre 1680 et 1707. Curé de Saint-Etienne-du-Mont, il meurt à Sainte-Geneviève en 1718.
Provenance :
1. Note manuscrite sur la dernière garde au recto de la première garde, « 100 lussigny juin 1821 », sans doute liée à la dispersion de la bibliothèque de Jules Lussigny, avocat, ancien échevin et juge suppléant au Tribunal de première instance de Valenciennes. Personnalité valenciennoise du début du XIXe siècle, M. Lussigny est connu pour avoir fait don, en 1819, de « Copies des privilieges, franchises et usances, plascards, resollutions des consaulx » à la BM de Valenciennes (AA 120, ms 679).
2. Arthur Dinaux (ex-libris manuscrit au verso de la page de garde supérieure et exemplaire), figurant au Catalogue de la bibliothèque de feu M. Arthur Dinaux. Première partie, Paris, Bochelin, 1864, p. 51, n° 459. Journaliste, érudit local, collectionneur et bibliophile, Arthur Dinaux (1795−1864) se consacre bientôt entièrement à ses travaux sur l’histoire littéraire, de l’art et de la bibliographie du Nord de la France et de la Belgique. Sa Bibliographie cambrésienne (Douai, Wagrez aîné, 1822) a notamment fait date. En 1821, Dinaux fonde son propre journal, Les Petites Affiches de Valenciennes, d’obédience légitimiste et catholique, auquel succède en 1829 L’Echo de la Frontière. Membre d’innombrables sociétés savantes en France et en Belgique, Dinaux a réuni une bibliothèque riche de plusieurs milliers de volumes anciens reflétant sa curiosité sans limite. Brunet nous apprend que, « dès 1814, il commença ses emplètes, et il les a continuées sans interruption. De fréquents voyages à Paris, des excursions en pays étrangers, en Belgique, en Hollande, en Allemagne et jusqu’en Espagne, lui fournirent de nombreuses occasions de mettre la main sur des livres qu’on aurait bien de la peine à retrouver aujourd’hui ». Il ajoute d’ailleurs que « M. Dinaux n’achetait que ce qu’il se promettait de lire ; il lisait la plume à la main ; il extrayait de chaque volume ce qui s’y trouvait de curieux, de piquant, de bon à connaître ; il savait qu’il n’existe pas de bouquin, quelque insignifiant qu’il paraisse, qui ne renferme des pages, ou tout au moins des lignes qui apprennent quelque chose » (cf. Catalogue…, p. XIII). Un catalogue en quatre volumes et des dizaines de vacations furent nécessaires pour procéder à la dispersion de sa bibliothèque en 1864.
3. Librairie d’Augustin Aubry, à Paris (exemplaire présent dans le Bulletin du bouquiniste, Paris, T. XVII, 196e numéro, 15 février 1865 (9e année, 1er semestre), p. 106, n° 856 et T. XXI, 243e numéro, 1 février 1867 (11e année, 1er semestre), p. 75, n° 566).
4. Une longue note manuscrite du Père Imhoff, datée du 22 octobre 1919, à Tournai en Belgique, nous apprend que ce manuscrit s’est retrouvé « on ne sait comment dans les rayons de la bibliothèque de la maison-mère des Frères de S. Vincent de Paul », dont il est alors le supérieur. Docteur en théologie, ordonné prêtre en 1884, Adolphe Imhoff (1857−1925) a fait ses études à la Grégorienne. Avant tout homme d’administration de l’Institut des Frères de Saint-Vincent-de-Paul, il est l’auteur d’une Vie de M. Louis Risse, prêtre de l’Institut des Frères de Saint-Vincent-de-Paul, fondateur et directeur de la Société des jeunes ouvriers de Metz (Bruges, 1925). Madame Danthecourt ayant été la bienheureuse bienfaitrice des Augustines de Notre-Dame de Miséricorde, le Père Imhoff a jugé bon de restituer cet ouvrage à leur Supérieure. Le couvent en 1901, « subsistai[t] encore 39, rue Tournefort » à Paris. Dissous depuis, ce couvent a vu sa bibliothèque dispersée en vente aux enchères.
Texte :
f. 1, Page de titre : « Recueil de la vie et de la conduite spirituelle de feu Madame Jeane Chalons, femme de Monsieur Danthecourt, marchand de soie à Paris, décédée le sixième juin 1675 âgée de 65 ans. Pour servir d’exemple et modelle à Messieurs ses enfants et filles qu’elle a eslevé et pour toute autre personne de quelque estat et condition qu’elle soit pour apprendre à vivre bien chrestiennement, et dans une vertu solide par un esprit interieur etc. ». – ff. 2 – 5, Dédicace « À Messieurs Danthecourt le Père et ses Enfants. » ; incipit : « Messieurs, Ce n’est pas mon dessein de renouveler vos douleurs… » ; explicit : « […] Vostre très humble, très obeissans et affe[ctueux] servite[ur], frère Dominique Lebrun de l’ordre des f[rè]res prêcheurs de la province de St Louis ». – ff. 6 – 8, Advis au lecteur. ; incipit : « Mon cher lecteur, j’ay eu trop de connoissance de la vie chrestienne de feu de Madame Danthecourt… » ; explicit : « […] et d’en avoir su peu profité, soit aussy d’en escrire la conduicte d’un stile si mal concerté. ». – pp. 1 – 273, Recueil de la vie, et de la conduite chrestienne de feu Madame Danthecourt, femme de Mr Danthecourt marchand de soie à Paris, décédée le sixième de juin presente année 1675. ; incipit : « Si la corruption que tous les hommes ont tirée de leur premier père … » ; pp. 239 – 273, Des preparations et dispositions qui ont precedé la mort de Madame d’Anthecourt, et qui l’ont suivie dans les dernieres infirmités jusqu’à la mort. ; incipit : « Il faut mourir, c’est un arrest decisif, il n’y a point d’appel, c’est un passage qu’on ne fait qu’une fois… » ; explicit : « […] pour profiter de ses exemples et pour voller avec elle au Ciel ». – pp. 273 – 291, Conclusion, contenant l’abregé de sa vie pour modelle de Messieurs ses enfants, etc. ; incipit : « Ce n’est pas assés de commencer du saint Hierosme, mais c’est vertu que de perseverer… » ; explicit : « […] dans lequel elle connoist tous mes besoins qui sont plus grands que de personne du monde. ». – pp. 283 – 305, Différentes épitaphes latines et françoise pour la mémoire de feu madame D’Anthecourt. ; incipit : « Je finis ce recueil de toutes ses vertus chrestiennes pour former l’epitaphe… » ; explicit : « […] Passant, retirés vous, tirés coppie / Sur un si bel original / Si vous vous souvenés d’elle en terre / Elle soupirera pour vous dans le Ciel. ». – pp.305 – 309, Table des paragraphes dans ce recueil.
Voir : Raffin, P., article « Le Brun (Dominique), dominicain, 1611 – 1688 », in Dictionnaire de spiritualité, ascétique et mystique, doctrine et histoire, Tome IX : Labadie – Lyonnet, Paris, Beauchesne, 1976, col. 458 – 60. – Petit, N., Article « Dantecourt Jean-Baptiste », in Prosopographie génovéfaine : répertoire biographique des chanoines réguliers de Saint Augustin de la Congrégation de France, 1624 – 1789, Paris, ENC, Librairie Droz – Librairie H. Champion, 2008, p. 118, n°1385.