MONNET Charles (1732, mort après 1808)

Dessins originaux pour les « Etudes d’anatomie à l’usage des peintres »

En français, dessins à la sanguine légendés à l’encre

France, avant 1776

In-folio, 40 dessins à la sanguine, sur papier filigrané (« grappe de raisin », proche de Gaudriault, no. 975 daté 1771). Reliure demi-chagrin vert, dos lisse avec titre doré « Etudes anatomiques », plats de carton couverts de papier marbré. Dimensions : 300 × 448 mm.

English abstract

[MONNET, Charles (1732, mort après 1808)].

Original drawings for the « Etudes d’anatomie à l’usage des peintres »
In French, sanguine (red chalk) drawings, captions in ink
France, before 1776


In-folio, 40 sanguine drawings, on paper with watermark close to Gaudriault, no. 975, « grappe de raisin » dated 1771). Half-binding of green goatskin, smooth spine with gilt lettering “Etudes anatomiques”, boards covered with marbled paper. Dimensions: 300 × 448 mm.


This series of drawings are the original ones by Charles Monnet, peintre du roy, one of the most celebrated and famous illustrators of the end of the eighteenth century. These drawings were used by
Gilles Demarteau to establish the engravings published in the Etudes d’anatomie à l’usage des peintres (published before 1776), a major work for the study of “artistic anatomy”. Theodore Géricault (1791-
1824) – painter of the Radeau de la Méduse – made good use of Monnet’s drawings, and drafted copies of the engravings now housed in the collection of the Ecole des Beaux-Arts (Paris): these were once thought to be original anatomic studies by Géricault but we now know they are in fact indebted to Charles Monnet.

La sci­ence des pro­por­tions, tri­om­phante à la Renais­sance, s’enrichit de nou­velles découvertes ana­tomiques, cepend­ant, l’anatomie dédiée aux beaux-arts, déjà ensei­gnée à l’Académie roy­ale, demeure souvent nég­ligée. De nom­breux traités voi­ent dès lors le jour pour com­bler cette lacune comme l’Abrégé d’anatomie accom­modé aux arts de pein­ture et de sculp­ture de Roger de Piles, réédité tout au long du XVIIIe siècle; l’Ana­tomie néces­saire pour l’usage du des­sein (1741) d’Edme Bouchardon et les Études d’anatomie à l’usage des pein­t­res de Charles Monnet.

Dans l’Avertissement des Etudes d’anatomie, Charles Mon­net pré­cise son propos :

« La cor­rec­tion du dessin est une chose si néces­saire dans la pein­ture, qu’un peintre qui en est dépour­vu est obligé de faire des mir­acles d’ailleurs pour réparer ce qui lui manque […] C’est le seul moy­en de rendre rais­on des con­tours et de les faire justes, se savoir artic­uler les muscles dans leurs actions et de les rendre doux et coulans dans leur repos […] Pénétré dis-je de cette néces­sité, comme aus­si qu’il n’y a qu’un peintre qui puisse la rendre intel­li­gible à un autre peintre, je fais part aux jeunes étu­di­ans d’une suite d’études que j’ai faites et que j’ai arrangé de man­ière qu’elle peut être regardée comme un cours com­plet d’anatomie rel­at­ive­ment à la peinture… ». 

Les dess­ins de Charles Mon­net pro­posés ici sont réal­isés à la san­guine et ser­viront à Gilles Demarteau pour les Etudes d’anatomie à l’usage des pein­t­res paru avant 1776, date du décès de Gilles Demarteau l’aîné et vendu rue de la Pel­ter­ie : « Etudes d’anatomie à l’usage des pein­t­res. Par Charle [sic] Mon­net peintre du roi gravé par Demarteau graveur du roi, rue de la Pel­ter­ie à la Cloche » [exem­plaire con­sulté, Par­is, BnF, Estampes, JF- 16-Pet. Fol]. Un tirage en noir, plus tardif, voit le jour avec un titre-frontis­pice modi­fié quant à l’adresse : « Etudes d’anatomie à l’usage des pein­t­res. Par Charle Mon­net peintre et gravés par Demarteau. A Par­is chez l’Auteur, Cloitre Saint Ben­oït, no. 350 ». Ce second tirage est vendu par Gilles-Ant­oine Demarteau, hérit­i­er de son oncle : notons que les men­tions « du roi » asso­ciées au qual­i­fic­atif « peintre » et graveur » ayant dis­paru, plaident pour une édi­tion postérieure à 1789. Enfin une troisième util­isa­tion des dess­ins de Mon­net ser­vit à une édi­tion plus tar­dive et moins soignée, sous la dir­ec­tion de Tanude, chirur­gi­en-ana­tom­iste de Mont­pel­li­er, vers 1815: Ana­tomie de la con­nais­sance du corps humain détaillée dans chaque partie pour la facil­ité des per­sonnes qui pro­fes­sent le dessin com­posée de 42 planches d’après les dess­ins ori­gin­aux de Ch. Mon­net. .. et la descrip­tion générale des muscles faite par Tanude… [Par­is, BnF, Estampes, JF-17-Pet. Fol].

Math­i­as-Duval et Cuy­er nous dis­ent qu’il exis­tait à Rouen (Ecole régionale des Beaux-Arts) un exem­plaire des planches aug­menté de dess­ins ori­gin­aux, acquis par E. Lebel, dir­ec­teur de cette école et du musée de Rouen : « Nous ten­ons à ajouter que cette acquis­i­tion présente un double intérêt et une vérit­able import­ance par ce fait que, à l’exemplaire en ques­tion, se trouvent réunis la plus grande partie des dess­ins ori­gin­aux de Mon­net, d’après lesquels les grav­ures de l’ouvrage ont été exécutées par Demarteau. Ces dess­ins, il est vrai, ne sont pas signés ; mais tout indique que ce sont bien les dess­ins ori­gin­aux : ils sont d’une fac­ture un peu plus fer­me que les repro­duc­tions exécutées dans le genre du cray­on, à la roul­ette, selon le procédé employé et per­fec­tion­né par Demarteau ; de plus ils sont retournés » (Math­i­as-Duval et Cuy­er, 1898, p. 216). Les incen­dies de la guerre 1939 – 1945 détru­is­irent cet exem­plaire (Cata­logue Géri­cault, 1997). Il est prob­able que les dess­ins con­tenus dans cet exem­plaire soi­ent des dess­ins ayant ser­vis à étab­lir l’édition, puisque ceux-ci sont dits « retournés », c’est-à-dire inver­sés. Les incen­dies de la guerre 1939 – 1945 détru­is­irent cet exem­plaire. Enfin, on con­serve à Par­is, BnF, Dept. des estampes (JF – 37 – folio) une copie des tirages de Demarteau dont il est ques­tion dans le cata­logue con­sac­ré aux dess­ins de Géri­cault : « Le folio de cote JF 37 n’est pas comme l’indique Bazin « l’original de Mon­net », mais une copie con­sternante de fidél­ité, au mod­elé plus suave, plus néo-classique que celui des planches ori­ginales. Ces cop­ies sont dans le sens du tirage » (Cata­logue expos­i­tion Géri­cault, 1997, p. 63, note 11). La main qui légende l’exemplaire JF – 37 –Folio diffère de celle qui légende les dess­ins présentés ici, dont la simil­it­ude avec l’écriture de Mon­net est probante. Relevons par exemple le tracé de la lettre « M » majus­cule tel qu’on le ret­rouve dans la sig­na­ture de Mon­net et le titre « Muscles de la tete » (dessin no. 7, fig­ure 3).

Né à Bor­deaux, élève de Jean Restout, Charles Mon­net rem­porte le premi­er prix de pein­ture de l’Académie Roy­ale en 1765. Nom­mé peintre du roy, il réal­ise not­am­ment deux com­pos­i­tions myth­o­lo­giques pour les des­sus-de-por­tes de la salle à manger du Petit Tri­an­on de Ver­sailles, Borée et Oryth­ie et Zéphyr et Flore livrées en 1768. Bien que lauréat de l’Académie Roy­ale, il n’y sera jamais reçu, mais seule­ment agréé. Il a ter­miné sa car­rière comme pro­fes­seur de dessin à l’école de Saint-Cyr et meurt vers 1808 mais sa vie reste peu con­nue et doc­u­mentée. Peintre et dess­in­ateur pro­li­fique, Charles Mon­net est l’un des plus célèbres illus­trat­eurs de la fin du xviiie siècle. Il est par­ticulière­ment con­nu pour ses illus­tra­tions gravées par Pierre Duflos le Jeune en 1785 pour l’Abrégé de l’histoire uni­verselle en fig­ures de Jean-François Vauvil­li­ers. Il a égale­ment illus­tré (avec Mor­eau, Maril­li­er et Pietro Ant­o­nio Mar­tini) les Romans et contes de Voltaire, 1778 et Les Liais­ons Dangereuses de Choder­los de Laclos, édi­tion de 1796 (Lon­dres). Parmi d’autres recueils de dess­ins attribués à Charles Mon­net, citons les « Dess­ins de Ch. Mon­net pour les Aven­tures de Télémaque, édi­tion de Par­is 1773 » (2 vol. in-4 – Par­is, BnF, Manuscrits, Roth­schild 227). Le recueil con­tient 72 grands dess­ins et 24 fleur­ons exécutés à la sépia.

Gilles Demarteau (1729−1776) a gravé les planches ana­tomiques entre 1769 et 1776, date de sa mort. La date de 1769 comme ter­minus post quem est sug­géré par la men­tion « A Par­is chés Demarteau Graveur du Roi rue de la Pel­ter­ie à la Cloche » car il fut nom­mé membre de l’Académie roy­ale en 1769. En 1767, à pro­pos de Demarteau, Diderot écrit : « La belle, l’utile inven­tion que cette man­ière de graver. Ce sont de vrais dess­ins au cray­on ». Ce procédé qu’on appelle « grav­ure en man­ière de cray­on » reproduisait avec une fidél­ité sur­pren­ante les dess­ins de maîtres, tels que Boucher.

Nous savons que Théodore Géri­cault (1791−1824) – peintre du Radeau de la Méd­use – se forma à la représent­a­tion ana­tomique d’après l’ouvrage de Mon­net. Preuve en est les seize dess­ins d’anatomie humaine con­ser­vés dans la col­lec­tion de l’Ecole des Beaux-Arts (voir cata­logue Géri­cault, 1997). Pendant un cer­tain temps, les dess­ins pos­sédés par M. de Var­ennes (légués par la suite à l’Ecole des Beaux-Arts en 1883) étaient con­sidérés comme des études ori­ginales réal­isées par Géri­cault d’après des pièces dis­séquées : on sait que Géri­cault se faisait livrer des membres coupés et des parties de cada­vres dans son atelier du fau­bourg du Roule et qu’il accorda une atten­tion toute par­ticulière au dessin ana­tomique, en par­ticuli­er de l’être humain mais aus­si du che­val. Cer­tains de ces dess­ins ana­tomiques de Géri­cault sont en fait des cop­ies fort soignées des fig­ures de Charles Mon­net gravées par Gilles Demarteau : Géri­cault ne reproduit que 12 des 42 planches de Monnet/​Demarteau.

Con­tient les 40 dess­ins suivants (la total­ité de ce qui a été gravé):

No. 3 : Pro­por­tions générales.

Nos. 4 – 5 : Pro­por­tions et divi­sions du squelette.

No. 6 : Prin­ci­paux os de la tête.

Nos. 7 – 8 : Muscles de la tête.

Nos. 9 – 10 : Muscles du dos.

Nos. 11 – 16 : Ver­tèbres et muscles du dos.

Nos. 17 – 24 : Os et muscles du bras.

Nos. 26 – 29 : Os et muscles de la main.

Nos. 30 – 37 : Os et muscles de la jambe.

Nos. 37 – 42 : Os et muscles du pied

Les nos. 1 et 2, ici absents, con­cernent le titre-frontis­pice et l’avertissement de l’exemplaire gravé.

Joints :

1a. Frontis­pice allégorique gravé fig­ur­ant un ange ten­ant une torche découvre un sque­lette envel­op­pé dans un linceul, extrait de l’édition tirage en san­guine : « Etudes d’anatomie à l’usage des pein­t­res. Par Charle Mon­net peintre du roi gravé par Demarteau graveur du roi, rue de la Pel­ter­ie à la Cloche ». Planche No. 1. Livre Ier.

1 b. Le même, tirage en noir, avec pour différence la men­tion : « Etudes d’anatomie à l’usage des pein­t­res. Par Charle Mon­net peintre et gravés par Demarteau. A Par­is chez l’Auteur, Cloitre Saint Ben­oït, no. 350 ». No. 1. Livre Ier.

Gilles-Ant­oine Demarteau (1750−1802), dit Demarteau le Jeune, fut un temps le col­lab­or­at­eur de son oncle Gilles Demarteau avant de s’installer à l’adresse au « Cloître Saint Benoît ».

2 a. Aver­tisse­ment gravé extrait de l’édition tirage en bistre. Incip­it : « Per­suadé de l’extrême neces­sité de l’Anatomie une des parties fon­da­mentales du des­sein, sans laquelle on ne peut que s’égarer, et se former une man­ière éloignée du vrai ; elle seule peut nous appren­dre à con­ce­voir et pénétrer les beau­tés de l’Antique et de la Nature… ». A la fin de l’Avertissement on lit : « Cette Suite est divisée en sept cahiers pour faci­liter aux jeunes gens les moy­ens de l’acquerir ; et se vend à Par­is chès Demarteau Graveur et Pen­sion­naire du Roi rue de la Pel­ter­ie à la Cloche ». Prim­it­ive­ment chaque cah­i­er de 6 feuilles se vendait 25 sols, chez “Demarteau, graveur et pen­sion­naire du Roi, rue de la Pele­ter­ie, à la Cloche, à Par­is” (soit 7 cahiers de 6 planches, soit 42 pl. gravées en man­ière de cray­on et numérotées). On faisait remarquer dans l’Avertissement que “l’avantage de cette suite est que l’on trouve l’explication de chaque partie du corps et l’os à côté, afin que les élèves s’attachent à con­naître les des­sous et se rap­prochent des règles des pro­por­tions et du vrai”.

2 b. Le même en noir, avec pour différence la men­tion : « Graveur, Cloitre Saint-Ben­oit, quart­i­er Saint-Jacques No. 350 », en lieu et place « Graveur et Pen­sion­naire du Roi rue de la Pel­ter­ie à la Cloche ».

3a. Planche no. 41 (gravé en man­ière de cray­on, tirage en san­guine). Etude ana­tomique du pied. « A Par­is, chès Demarteau Graveur du Roi, rue de la Pel­ter­ie a la Cloche ».

3b. La même en noir avec pour men­tion : « A Par­is chès Demarteau Graveur ».

Bib­li­ograph­ie : Roux, Mar­cel, Inventaire du fonds français, graveurs du XVIIIe siècle. Bib­lio­thèque nationale, Départe­ment des estampes. Tome VI, Damon­tot-Den­on, Par­is, 1949, art­icle « Demarteau (Gilles) », voir n. 32 « Cahiers d’anatomie », pp. 336 – 337 ; voir aus­si « Demarteau (Gilles-Ant­oine) » . – [Expos­i­tion]. Clair, Jean (dir.). L’âme au corps. Arts et sci­ences. 1793 – 1993, Par­is, 1993 : Liste des œuvres, p. 533, no. 53. Charles Mon­net. Traité d’anatomie (à l’usage des pein­t­res), manuscrit ori­gin­al avec dess­ins au cray­on insérés dans le texte. 1815. Manuscrit 62 × 42 cm. Par­is, Bib­lio­thèque nationale. Cab­in­et des estampes JF. 37 in pet. Fol. ; voir aus­si le chapitre signé Debord, Jean-François, « De l’anatomie artistique à la mor­pho­lo­gie », in L’âme au corps…, pp. 102 – 117. – Math­i­as-Duval et E. Cuy­er, His­toire de l’Anatomie Plastique : les maîtres, les livres et les écorchés, Par­is,1898, pp. 213 – 216. – Math­i­as-Duval, M. et A. Bic­al, L’anatomie des maîtres. Trente planches reproduis­ant les ori­gin­aux de Léonard de Vinci, Michel-Ange, Raphaël, Géri­cault etc., Par­is, 1890, pour les dess­ins attribués un temps à Géri­cault et repren­ant en fait les planches de Mon­net gravées par Demarteau. – Bruger­olles, E. (dir.). Géri­cault. Dess­ins et estampes des col­lec­tions de l’Ecole des Beaux-Arts, Par­is, 1997, en par­ticuli­er pp. 43 – 66 : « A pro­pos de quelques dess­ins ana­tomiques de Géri­cault » (Jean-François Debord). Voir aus­si « Seize dess­ins d’anatomie humaine », pp. 139 – 147, d’après Charles Mon­net et Giuseppe Del Medico (Ana­to­mia per uso dei pit­tori e scultori, Rome, 1811).

Bénéz­it, Dic­tion­ary of Artists, vol. IX, pp. 1180 – 1181; Thieme et Beck­er, t. 25, pp. 68 – 69 ; Inventaire du fonds français, graveurs du XVIIIe siècle, Tome VI, Demarteau (voir Bib­li­o­graph­ie ci-des­sous); Cohen, Livres à grav­ures du XVIIIe s., 1912 ; Portal­is R. et H. Béraldi, Les graveurs du dix-huitième siècle, t. 1, Par­is, 1880, pp. 718 – 721 ; Portal­is, R. Les dess­in­ateurs d’illustration au XVIIIe s., Par­is, 1877, pp. XXX.