A la mémoire d’Anna de Noailles

[NOAILLES Anna de]. COCTEAU Jean

Procès de la comtesse de Noailles [La comtesse de Noailles oui ou non]

En français, manuscrit sur papier fort (cahier de dessin à spirales).

France, octobre 1962

Manuscrit autographe signé, Préface, octobre 1962, correspondant à la Préface (sans titre) du volume « La comtesse de Noailles, oui ou non » (p. 13-16), suivi de Notes intégrées dans la section « Notes » du livre (pp. 93-94, 97- 98) et d’un plan sommaire du volume avec des essais de titres ; la couverture porte trois essais de titres: « Procès de la comtesse de Noailles 1876-1933 », « Poèmes de la comtesse de Noailles choisis et présentés par Jean Cocteau » et « La Comtesse de Noailles oui ou non ».

Cahier de dessin grand in-fol. à spirale de 10 plus 2 pages in-4 de sa main et 2 ff. imprimés de l’épître dédicataire du Voyage de Sparte de Barrès, collés dans le cahier. Dimensions : 270 × 370 mm.

Jean Cocteau (1889−1963) fit paraitre l’ouvrage col­lec­tif intit­ulé La comtesse de Noailles, oui ou non (Par­is, Lib­rair­ie académique Per­rin, 1963) qui, outre les textes d’Anna de Noailles, inclut des textes de Jean Cocteau, Emmanuel Berl, Colette, et Robert Aron. Le titre « Procès de la comtesse de Noailles » fut un temps pres­senti pour titre de l’ouvrage con­çu par Cocteau recueil­lant des textes d’Anna de Noailles.

Ce manuscrit offre des cor­rec­tions, des repentirs et le choix d’un grand cah­i­er à dessin pour con­sign­er ses premières ébauches.

D’origine gréco-rou­maine, Anna Elisa­beth de Bran­co­v­an, comtesse de Noailles est née à Par­is, où elle vécut de 1876 jusqu’à sa mort, en 1933. À partir de son premi­er recueil, Le Coeur innom­brable (1901), cour­on­né par l’Académie Française, Noailles com­posa neuf recueils de poèmes, trois romans (dont le savoureux Vis­age émer­veillé, en 1904), un livre com­bin­ant his­toires cour­tes et médit­a­tions sur les rela­tions hommes-femmes (Les Inno­cen­tes, ou La Sagesse des femmes, 1923), un recueil de proses poétiques (Exactitudes, 1930), et une auto­bi­o­graph­ie couv­rant son enfance et son adoles­cence (Le Livre de ma vie, 1932).

Cocteau décrit bien sa fas­cin­a­tion pour Anna de Noailles : « Au premi­er abord, j’avoue qu’elle m’éberlua. Rompue à brill­er, à jouer un rôle, à exécuter des exer­cices célèbres…la comtesse, sans l’ombre de pré­am­bule, me don­nait un spec­tacle dont ses intimes avaient l’habitude, mais cap­able de trans­former en pro­vin­cial n’importe quel spectateur nou­veau » (Por­traits-souven­irs, 1900 – 1914, Par­is, Grasset, 1935).

En 1911, Jean Cocteau a vingt-deux ans lorsqu’il ren­contre Anna de Noailles qui lui est présentée furt­ive­ment dans une voit­ure. À l’époque, cette jeune femme du monde, égérie de la Troisième Répub­lique, a déjà pub­lié six ouv­rages au suc­cès reten­tis­sant (trois recueils de poèmes et trois romans). Parmi les admir­at­eurs de la première heure se trouve Jean Cocteau. Avant même leur ren­contre, il lui prouve son admir­a­tion en lui envoy­ant son livre Le Prince frivole en exergue duquel fig­urent quelques-uns de ses vers. Fas­ciné et « éber­lué (…) par la beau­té de cette petite per­sonne, la grâce de son timbre de voix », il se mêle rap­idement aux proches d’Anna de Noailles, au même titre que Mar­cel Proust, Edmond Rostand ou Maurice Bar­rès. Devenu un fam­ilier de la mais­on, il pousse même son admir­a­tion jusqu’à adop­ter ses man­ières, comme en témoignent ses proches qui le surnom­ment alors « Anna-mâle » ! Lui-même se donne le titre de « page » de la poétesse dans une lettre écrite à sa mère en 1912.

De ce jour, une rela­tion par­ticulière, « une de ces amitiés qui dépas­sent la tombe » et une réelle col­lab­or­a­tion les lient pendant près de vingt ans. Cocteau con­nais­sait très bien l’œuvre de celle qu’il appelait sa « grande sœur », ce que lettres et dess­ins cor­rob­orent. Son ador­a­tion l’amena égale­ment, en guise de derni­er hom­mage, à lui con­sacrer son ultime ouv­rage, La Comtesse de Noailles, oui et non, en 1963.

Anna de Noailles est la première femme à être élevée au grade de com­mandeur de la Légion d’honneur. C’est Bergson qui lui remet la cravate avec laquelle elle pose pour Kees Van Don­gen qui fait son portrait.

Cocteau écri­ra : « Après ma mort, j’irai voir Anne de Noailles. Je tra­verserai le ves­ti­bule de nuages. Je pousserai la porte et j’entendrai la voix des dis­putes : « Mon petit, vous le voyez, il n’y a rien, rien après. Vous vous souven­ez, je vous l’avais dit ! » …et pour ma joie éter­nelle, tout recom­mence, la comtesse parle… » (Por­traits-souven­irs, 1900 – 1914, Par­is, Grasset, 1935).

Joint :

1. Por­trait d’Anna de Noailles, tirage argen­tique, Otto (Par­is), dédic­acé par Anne de Noailles :« Souven­ir affec­tueux. Anna ».

2. Manuscrit auto­graphe signé, Dédicace à Anne Jules de Noailles (1 p. oblong in-4 avec rat­ures et cor­rec­tions). Épître non retenue dans le livre, évoquant un souven­ir pén­ible en présence de la prin­cesse Edmond de Polig­nac. « Accepte donc la dédicace de ce procès car les vraies pièces à décharge sont les œuvres où éclate le génie de ta mère. Le silence qui les entoure est injuste et je sup­porte mal l’injustice ».

3. Texte de 9 pages auto­graphes (sur 9 ff) avec rat­ures et cor­rec­tions : frag­ments cor­res­pond­ant au texte des « Notes » don­nées aux pages 95 – 97 du livre (« La comtesse avait trop d’orgueil pour accepter d’être la mod­este main-d’œuvre de forces pro­fondes et secrètes […] les amis se ren­contrent hât­ive­ment, entre deux por­tes »), et au derni­er para­graphe de ces « Notes » (p. 98), don­né ici sous le titre Poésie à l’honneur; plus les chapeaux d’introduction à la con­tri­bu­tion d’Emmanuel Berl, et à sa propre alloc­u­tion au Collège de France, le 3 mai 1923 (cor­res­pond­ant au texte des pp. 113 et 226 du livre).

4. Tapuscrit avec quelques rat­ures et note auto­graphes « Alloc­u­tion du 28 novembre 1955 au musée Guimet », sur la comtesse de Noailles (2 p. in-4), et carte de vis­ite auto­graphe signée d’envoi du fils de la comtesse, Anne-Jules de Noailles. Le texte du recto est reproduit aux pages 101 – 102 du livre.

5. 7 ff. de Por­traits-souven­irs, chap. XV, avec cor­rec­tions auto­graphes. – 3 ff. d’une édi­tion de Por­traits-souven­irs, avec indic­a­tion de cari­ca­tures à reproduire.

6. Cor­res­pond­ance avec Robert Aron, dir­ec­teur lit­téraire de Per­rin et Jean Cocteau : 5 L.A.S. et 4 manuscrits auto­graphes dont un signé et 2 avec L.A.S. ; Robert Aron : 1 L.A.S. et une copie dac­ty­lo­graph­iée en tout 12 p. formats divers. Aron se dit « ravi de tout ce que tu me dis pour le livre », donne quelques ren­sei­gne­ments et annonce l’envoi des livres de la comtesse (3 novembre 1962). Cocteau envoie de deux petites « notes » à inter­caler, et admire le texte de Berl (25 novembre 1962) … Il se plaint de sa santé, de « pré­par­at­ifs de Fréjus et tout un galima­tias d’affaires intimes » : « Or, main­ten­ant que notre livre cesse d’être une plaquette et tourne à l’histoire de lettres, je trouve qu’il traîne et je t’aurais une vive recon­nais­sance de m’en com­mu­niquer l’ensemble et d’écrire des liens que je t’ai demandés » (15 fév­ri­er 1963) … Mise au point d’Aron (4 mars 1963) … Réponse de Cocteau, avec sa propre mise au point : « une note de toi mettrait de l’âme. […] tout est en ordre. Sauf la dédicace à Anne Jules qu’il faut supprimer » (5 mars 1963) … Avis de Cocteau sur l’ordre des textes de la fin… Note lim­in­aire auto­graphe pour la « man­ière de bio­graph­ie qui n’en était pas une » demandée à Berl (non retenue dans l’édition) … Ver­sion prim­it­ive de sa note sur Bar­rès dans la chambre de la comtesse, avec mes­sage d’envoi signé (cf. les «Notes» ci-des­sus et le livre, p. 97)… Autre note avec mes­sage d’envoi signé (« cher­che toi-même sa place »), com­parant le « nez orgueil­leux » de la comtesse à celui de Cléopâtre, et citant ses remarques sur la chirur­gie esthétique (non retenu dans le livre).

Voir : Tama Lea Engelk­ing. « Anna de Noailles Oui et Non : The Count­ess, the Crit­ics, and la poésie fémin­ine » in Women’s Stud­ies: An Inter­dis­cip­lin­ary Journ­al, 1994 23(2), pp. 95 – 111.