Portrait d’une anonyme

[ANONYME]

Portrait de jeune femme au turban

Pastel sur papier doublé

France, vers 1785-1790

Dimensions : 516 × 365 mm. Sous encadrement.

English abstract

[ANONYMOUS].
Portrait of Young Woman
Drawing “aux trois crayons” (black and red chalk heightened with white chalk), on tan laid paper
France, circa 1785-1790.

Dimensions: 516 × 365 mm. Framed.


The young woman is portrayed in bust. She is dressed quite simply, but her attire helps to suggest a date for this anonymous drawing. She has her hair up and tied with a ribbon on the side, a “pierrot” collar, typical of Revolutionary fashion. Her dress however could suggest a slightly later Directoire style. A comparison of this work with the self-portrait of the painter Marie-Gabrielle Capet (Harvard University, Fogg Art Museum, Jeffrey E. Horvitz Collection), a pupil of Adélaïde Labille-Guiard, reinforces our proposal for dating the drawing between 1785-1790. Further research might allow for an identification of the model and of the artist, perhaps a woman herself ?

Une jeune femme, de trois-quarts, en buste, regarde de ses yeux mor­dorés, avec un demi-souri­re, le spectateur. Cette anonyme est vêtue, semble-t-il, très sim­ple­ment : une robe souple épou­sant son corps sur une chemise de coton à col pier­rot, les cheveux en per­ruque relevés par un turban noué sur le côté droit. Le rouge de ses joues, de ses lèvres, le blanc de ses yeux et les quelques touches dans ses cheveux relèvent son teint laiteux et ses yeux mor­dorés magnifiques.

Repentir au bras droit ; alors que la main gauche est achevée, la main droite ne l’est pas (les traits du dessin préal­able sont encore vis­ibles, ain­si que la taille bien trop dis­pro­por­tion­née de l’index).

Au XVIIIe siècle, le vête­ment est de cir­con­stance, vérit­able mar­queur social. Or, l’utilisation, dans les deux dernières décen­nies du siècle, de matéri­aux non nobles tels que le coton ou la mous­seline, bouscule cet ordre social. C’est de la Nou­velle Héloïse de Jean-Jacques Rousseau (1761), de l’amour de la cam­pagne et de la nature ret­rouvée, que nais­sent ces robes blanches et simples. Les femmes rêvent alors d’ingénuité et de can­deur. Elles dévoi­lent leurs corps, sans cor­sets ni pan­iers, même dans les plus hautes sphères de la cour. Dans le por­trait qui nous occupe ici, nous n’avons qu’un seul élé­ment qui nous informe du stat­ut social élevé de la jeune femme : ses cheveux poudrés.

L’histoire de la mode et du vête­ment sert ici à la data­tion du dessin. En effet, ce n’est qu’à partir de 1783 que la reine de France, Mar­ie-Ant­oinette, démo­crat­ise ce mod­èle de robe souple, dite « chemise à la reine », mal­gré le scandale vif et viol­ent qui règne autour de ce vête­ment fémin­in suite à l’exposition du célèbre Por­trait de Mar­ie-Ant­oinette par Elisa­beth Vigée-Lebrun lors du Salon de 1783. La sur-robe que la jeune femme porte annonce la robe Dir­ectoire néo-classique.

Une com­parais­on de cette œuvre avec l’autoportrait de la peintre Mar­ie-Gab­ri­elle Capet, élève d’Adélaïde Labille-Guiard, ou encore avec un dessin anonyme du derni­er quart du XVIIIe siècle (Art­cur­i­al France, vente du 14 juin 2017, lot 115), ren­force notre pro­pos­i­tion de data­tion du dessin entre 1785 et 1790, not­am­ment grâce à la présence des turbans dans les cheveux qui appar­aît à cette péri­ode. Com­ment ne pas être frap­pé égale­ment par le fort écho entre la pose de Mar­ie-Gab­ri­elle Capet et celle de notre inconnue.