SAINT-EVREMOND, Charles de Marguetel (1614-1703)

Récit d’une conversation de Monsieur le Maréchal d’Hocquincourt avec le Pere Canaye Jesuite

En français, manuscrit sur papier

France, XVIIe siècle, vers 1670-1690

16 pp., précédés et suivis de 4 feuillets de gardes, pagination de l’époque, manuscrit sur papier, écriture calligraphiée à l’encre brune alternant écriture ronde humaniste et italique, réglure à l’encre rouge, rosace ornementale tracée à l’encre en fin de texte. Reliure du XVIIe siècle de maroquin rouge janséniste, simple filet à froid en encadrement sur les plats, dos à nerfs, tranches dorées, roulette dorée intérieure, filet doré sur les coupes (quelques épidermures ou éraflures ; plat inférieur un peu frotté). Dimensions : 70 × 115 mm.

English abstract

[SAINT-EVREMOND (Charles de Marguetel)(1614-1703)]
Récit d’une conversation de Monsieur le Maréchal d’Hocquincourt avec le Pere Canaye Jesuite


In French, manuscript on paper.
France 17th century, circa 1670-1690


Ruled copy of the controversial work by the French libertarian moralist and critic of Saint-Evremond, a profoundly anti-clerical pamphlet. Contemporary of the author, this manuscript is here copied for a bibliophile, and likely circulated in limited and chosen circles.

Only known handwritten copy where the Conversation appears alone.
Fine calligraphy, unusual for an unauthorized and censored text.

Copie cal­li­graph­iée et réglée de cette Con­ver­sa­tion qui fut pub­liée de man­ière anonyme (par M. D. S. E.) dans le Retour des pièces chois­ies ou Bigar­rures curieuses (A Emm­er­ick, chez la Veuve de Ren­oäurd, 1687) puis dans les Œuvres mêlées de Saint-Evre­mond par Claude Barbin en 1693. Elle est con­sidérée comme la meil­leure des œuvres de l’auteur, vérit­able coup-de-poing anti-reli­gieux. Ce manuscrit fut cop­ié dans un esprit bib­li­o­phil­ique qui tranche avec les autres manuscrits con­nus de ce libelle. Notre manuscrit est intit­ulé « Récit… » con­forme à la première pub­lic­a­tion de 1687 tandis que la plu­part des autres manuscrits sont titrés « Conversation… ».

Mor­al­iste et cri­tique lib­ertin français, Charles de Mar­guetel de Saint-Denis, sei­gneur de Saint-Evre­mond (1610−1703) fut d’abord sold­at et exer­ça quelques com­mande­ments import­ants sous le duc d’Enghien et sous le maréchal d’Hocquincourt, mais il fut dis­gra­cié en 1661, pour avoir blâmé la paix des Pyrénées dans sa Lettre au mar­quis de Créqui sur la paix des Pyrénées (1659) cri­ti­quant Maz­ar­in, et bientôt après exilé. Il se réfu­gia en Hol­lande, puis en Ang­le­terre, où il devait pass­er plus de quar­an­te ans. C’est en Hol­lande puis en Ang­le­terre qu’il écriv­it presque toutes ses œuvres. L’exil lui fut clé­ment. Il trouva en Ang­le­terre, à la cour et à la ville, un accueil empressé. Il repose à Westminster.

Les deux per­son­nages campés dans le Récit de Saint-Evre­mond sont les suivants. Charles de Monchy d’Hocquincourt (1599−1658) fut offi­ci­er, puis maréchal de France en 1651. Proche de la Fronde, il se ral­lie aux Espagnols (1655) qui lui con­fi­ent la défense de Dunkerque : il est tué devant cette place le 13 juin 1658. Le Père Jean Canaye (1594−1670) est un jésuite et lit­térat­eur français. Eduqué au collège de Cler­mont, il entre chez les Jésuites en 1611. Il fut le pro­fes­seur de Charles de Saint-Evre­mond qui l’avait donc obser­vé de près.

Le chef d’œuvre de Saint-Evre­mond est sans nul doute cette Con­ver­sa­tion du maréchal d’Hocquincourt avec le Père Canaye, « mer­veille d’esprit et de per­si­flage » pour repren­dre Rémy de Gour­mont. C’est un écrit satirique ridiculis­ant la sub­til­ité des Jésuites et opposant la bonne foi du vieux milit­aire à la sub­tile doc­trine du jésuite. Situé en 1654 pendant le siège de Arras, le petit Récit ou Con­ver­sa­tion fut com­posé bien après ladite con­ver­sa­tion, sans doute vers 1668/1669, pendant la péri­ode hol­landaise de Saint-Evre­mond et donc après la mort du Maréchal d’Hocquincourt. L’attribution de l’ouvrage fut dis­putée par plusieurs com­mentateurs : on l’attribua tour à tour à Pierre Bayle, à Voltaire, à Charl­ev­al (par Voltaire d’ailleurs) et à bien d’autres. Pierre Bayle lui-même com­mente l’ouvrage dans les Nou­velles de la Répub­lique des lettres (décembre 1686), étab­lis­sant qu’il s’agit « d’un récit fort agré­able qu’on attribue à un bel esprit, réfu­gié en Ang­le­terre depuis longtemps […] Il courait quelques cop­ies de ce manuscrit depuis quelques mois, qui appar­e­ment se seraient fort mul­ti­pliées et altérées, s’il n’avait été don­né à un imprimeur ».

Pour Saint-Evre­mond la reli­gion tient ou bien de la super­sti­tion ou bien d’une « inven­tion humaine poli­tique­ment établie pour gouvern­er les hommes » (EC, 106). L’idée que la reli­gion est basée sur de la pure super­sti­tion est large­ment répan­due parmi les libertins.

D’autres ver­sions manuscrites de la Con­ver­sa­tion exist­ent mais tou­jours com­prises dans un recueil et nous n’avons pas ren­con­tré d’exemplaire isolé. Citons par exemple les manuscrits suivants – Par­is, BnF, NAF 22337, p. 306 : « Con­ver­sa­tion de Saint-Evre­mont avec Mr le maréchal d’Hoquincourt et le Père Canaye, jésuiste » ; Par­is, BnF, fr. 15228, f. 92, « Récit d’une con­ver­sa­tion de M. le maréchal d’Hocquincourt avec le P. Canaye, Jésuite, par Mr D. S. E.» (XVIIIe s.). On recense environ une dizaine de manuscrits (Par­is, BnF fr. 15228 ; 20862 ; NAF 28 ; 22337 ; Par­is, Arsen­al, 7586 ; La Rochelle, 673 ; Lyon, 1309).

JOINT : L. A. S. (2 pp.) de Charles de Monchy, mar­quis d’Hocquincourt, à Mon­sieur de Valence (Nancy, le 6 août 1639), dans laquelle l’expéditeur informe son cor­res­pond­ant qu’il a “reçu une mous­quet­ade dans la cuisse”. Le “sirur­gi­en” l’assure qu’il pourra “sortir du lit dans quin­ze jours ou trois semaines “. Il le “suplie dan­pes­cher que Madame d’Eauquincourt ne soit aff­ligé et quelle ne viene” [le voir], les “annemis ten­ans con­tin­uelle­men des sortis de jans de gaire sur les chemins”.

JOINT : [SAINT-EVRE­MOND (Charles de Mar­guetel)]. Con­ver­sa­tion du maréchal d’Hoquincourt avec le père Canaye, par Saint Evre­mond. Nou­velle édi­tion pub­liée par Louis Lacour, A Par­is et se trouve aus­si de par le monde mil huit cent soix­ante-cinq [Achevé d’imprimer l’an MDCCCLXV le quin­zième jour de mai par D. Jou­aust, imprimeur a Paris].

In-16, 62 pp., couver­tures de papi­er vélin con­ser­vées. Reli­ure de demi-maroquin brun à coins, dos à 5 nerfs, titre doré, plats couverts de papi­er mar­bré cail­louté, gardes de papi­er mar­bré peigné. Dimen­sions : 95 × 135 mm.

Proven­ance : Vign­ette ex-lib­ris contre­collée sur le contre­plat supérieur : « Ex-lib­ris d’Albert Tis­san­di­er ». Albert-Charles Tis­san­di­er (1839−1906) fut un archi­tecte, aéro­naute et voy­ageur français. Il est le frère de Gaston Tis­san­di­er, avec qui il a coopéré à la revue La Nature jusqu’en 1905. En 1858, il étud­ie l’architecture à l’Ecole des Beaux-Arts à Par­is, sous la dir­ec­tion de M. André. Il fut le fidèle com­pagnon et le col­lab­or­at­eur assidu de son frère en s’adonnant à l’aéronautique. 

Les trois com­posantes de cet ensemble sont con­ser­vées dans un emboit­age mod­erne artic­ulé et à étages.

Bib­li­o­graph­ie : [Saint-Evre­mond]. Œuvres mêlées de Saint-Evre­mond, texte établi par Charles Giraud, Par­is, J. Léon Tech­ner fils, 1865, tome I, pp. 38 – 51. – Cavaillé, Jean-Pierre, « Lib­er­tin­age et dis­sim­u­la­tion. Quelques élé­ments de réflex­ion » in Lib­er­tin­age et Philo­soph­ie au XVIIe siècle, 5, Les lib­ertins et le masque : sim­u­la­tion et représent­a­tion, Saint-Etienne, 2001. – Grubbs, H.A. « Is Saint-Evre­mond the Author of the Con­ver­sa­tion du Maréchal d’Hocquincourt » ? in The French Review, vol. 11, no. 2, dec. 1937, pp. 120 – 131. – Pin­tard, René, Le lib­er­tin­age érudit dans la première moitié du XVIIe siècle, Par­is, 1943. – Charles-Daubert, Françoise, Les lib­ertins érudits en France au XVIIe siècle, 1998.