Beauté sainte

[ANONYME]

Sainte Catherine de Sienne

Peinture, huile sur toile, rentoilée

Italie (?), XVIIIe siècle

Dimensions : 820 × 670 mm. (Légers accidents et rousseurs, « rustine » en bas à droite du tableau, toile découpée puis rentoilée).

En buste, une femme auréolée, en habit reli­gieux blanc à manteau noir des domin­i­caines, de trois-quarts, tient un cru­ci­fix orné de lys dans ses mains. Elle porte, au dos de ses mains, les stig­mates. L’identité de cette sainte femme n’est pas défin­it­ive­ment établie. Néan­moins, une étude icon­o­graph­ique tend à prouver qu’il s’agit de sainte Cath­er­ine de Sienne.

D’une grande fin­esse d’exécution, le vis­age au bel ovale est rehaussé d’incarnat offrant une sainte Cath­er­ine de Sienne dans une atti­tude recueil­lie. Le style semble emprunter la sim­pli­cité de sa com­pos­i­tion (absence d’arrière-plan) aux icônes byz­antines tandis que la fin­esse du vis­age évoque l’Italie, et que le traite­ment forte­ment con­trasté est plus cara­ctéristique des écoles ibériques.

Cater­ina Ben­in­casa, en reli­gion Cath­er­ine de Sienne (Sienne, 1347-Rome, 1380), devi­ent à seize ans ter­ti­aire domin­i­caine auprès des Sœurs de la Pén­it­ence. Elle viendra en aide aux pauvres et aux mal­ad­es de Sienne. Elle lut­tera égale­ment tout au long de sa vie pour l’unité de l’Église, voy­agera en Italie pour encour­ager une réforme de l’institution. Les évène­ments de sa courte vie sont relatés dans la Legenda Major de Ray­mond de Capoue (1318−1391) son con­seiller spirituel, et dans la Legenda Minor du domin­i­cain Tom­maso Caf­far­ini (1350−1431). Can­on­isée en 1461, elle est déclarée copat­ronne de la ville de Rome, de l’Europe et des journ­al­istes au XIXe siècle. En 1970, le pape Paul VI donne à Cath­er­ine de Sienne le titre de Docteur de l’Église – elle devi­ent dès lors la deux­ième femme à obtenir cette dis­tinc­tion, après Thérèse d’Avila. Ses reliques se trouvent à Rome dans la Basil­ique Santa Maria Sopra Min­erva et à Sienne dans l’église San Domenico.

Ses attributs sont un anneau d’or, un lys, un cœur cour­on­né d’épines et un cru­ci­fix. L’iconographie la plus fréquente la représente dans les évène­ments les plus import­ants de sa vie, tels son mariage mys­tique ou l’imposition des stig­mates. La plus ancienne représent­a­tion con­nue de Cath­er­ine de Sienne est con­nue du peintre Andrea Vanni (1332−1414), son con­tem­po­rain, en 1390. Cette fresque orne tou­jours un mur de l’église San Domen­ico à Sienne. Elle devi­ent dès lors un sujet des pein­t­res de la Renais­sance. Notre Cath­er­ine de Sienne du XVIIIe siècle reprend fidèle­ment l’iconographie ori­ginelle inaugurée par Vanni. La présence du cru­ci­fix rap­pelle égale­ment un mod­èle XVIIe siècle con­ser­vé au Brook­lyn Museum de New York ou encore le Mariage mys­tique de sainte Cath­er­ine de Sienne réal­isé par Bern­ardino Luini, con­ser­vé au Musée Poldi Pezzoli de Milan.

Proven­ance :

1. Une men­tion manuscrite sur une étiquette au revers du tableau, en haut, nous informe de la proven­ance du tableau : « Offert à Mon­sieur l’abbé Dégoul par son tr[ès] ami Félix La Jove. Ste Thérèse ten­ant un cru­ci­fix à la main, attribué à Louis Esteban Mur­illo de la Col­lec­tion Evariste Fouret. »

Évariste Fouret (1807−1863) était un col­lec­tion­neur pas­sion­né né au Mans et qui vécut entre sa ville nat­ale et Par­is, lorsqu’il n’était pas en voy­age en Europe. Il est essen­ti­elle­ment con­nu pour son goût très ori­gin­al, à l’époque, pour les prim­itifs itali­ens dont il pos­sédait un ensemble remarquable vis­ible désor­mais au musée de Tessé (Le Mans) [voir Dis­cov­er­ing the Itali­an Tre­cento dur­ing the 19th Cen­tury, pub­lic­a­tion en ligne par le journal

Pre­della]. La col­lec­tion d’Evariste Fouret est con­nue par les inventaires après-décès tenus au Mans et à Par­is ain­si que par le cata­logue de la vente des 12 et 13 juin 1863 ne con­ten­ant que les œuvres que Fouret con­ser­vait à Par­is (le cata­logue de la vente s’étant tenue au Mans n’a jamais pu être ret­rouvé). Dans le cata­logue de vente une Sainte Thérèse attribuée à Zurbar­an se trouve sous le numéro 202 qui doit être celle men­tion­née dans les minutes du com­mis­saire-priseur sous le numéro 77 sans attri­bu­tion et qui aurait été acquise par un cer­tain « Michel » pour 60 Fr. On a pu évoquer aus­si le n° 153 de la vente du 12 – 13 juin 1863 : « Sas­so­fer­rato, Sainte Cath­er­ine ». Le traite­ment styl­istique du per­son­nage ne nous incite pas à faire ce rap­proche­ment avec l’œuvre de Sas­so­fer­rato (1609−1685). Nous remer­cions Corentin Dury, con­ser­vateur du pat­rimoine, char­gé des col­lec­tions anciennes au Musée des Beaux-Arts d’Orléans, pour ces pré­cieuses inform­a­tions sur le col­lec­tion­neur qu’était Evariste Fouret. Le cata­logue de vente de 1863 présente d’ailleurs beau­c­oup de tableaux d’attribution incon­nue représent­ant « Une Sainte » : p. 21 de l’« Ecole Itali­enne », p. 22 de l’« Ecole Espagnole », et enfin p. 26 dans les « Divers » [voir [Vente]. 300 tableaux des divers écoles (prin­cip­ale­ment) itali­enne, et objets var­iés : 12 juin 1863, col­lec­tion Evariste Fouret, [s. l.], [s. n.], 1863].

2. Ancienne col­lec­tion de l’abbé Félix Dégoul, qui eut pour mis­sion de con­stru­ire des églises et pres­by­tères en Tunis­ie, alors pro­tect­or­at français, à la fin du XIXe siècle. Peut-être ce tableau se trouv­ait-t-il dans l’une d’elles ?