Grace au bon Roy, qui regne en France
Nous allons voir la poule au pot !
Cette poule, c’est la Finance,
Qui plumera le bon Turgot.
Pour cuire cette chair maudite,
Il fait la Greve pour marmitte
Et l’abbé Terray pour fagot.
(Epigramme, p. 118 du présent recueil)
[ANONYME]. [TURGOT, Anne Robert Jacques]
Pièces méchantes et curieuses
En français, manuscrit sur papier
France, vers 1781 ou peu après.
5 ff. + 146 pp., précédés de 3 ff. de gardes, suivis d’un feuillet de garde, écriture cursive à l’encre brune foncée, texte inscrit dans un encadrement tracé à l’encre, reliure de demi-cuir de Russie rouge, dos lisse avec ornements dorés, plats couverts de papier marbré caillouté. Dimensions : 152 × 223 mm.
Recueil contenant des textes dirigés contre Turgot et les économistes, et plus précisément contre les réformes qui s’imposent en cette veille de Révolution. Il est intéressant de noter que ce manuscrit se situe au moment de la mort de Turgot, aux environs de 1781. On trouve la date de 1781, à la fin de la copie des Philippiques : « Cette pièce devient très rare & le héros, malgré toutes les horreurs de cette satire, n’en est pas moins regardé comme un très grand Prince ; Quoy qu’on ne puisse disconvenir, qu’il n’ait payé un fort tribut à la faiblesse de l’humaine naturel. 1781 ».
Anne Robert Jacques Turgot (1727−1781) est nommé ministre sur proposition de Maurepas, le mentor du Roi, auquel il a été chaudement recommandé par l’abbé de Véry, un ami commun. Sa nomination comme ministre de la Marine en juillet 1774 est bien accueillie, notamment par les Lumières. Un mois plus tard, il est nommé contrôleur général des finances. Son premier acte est de soumettre au roi une déclaration de principe : pas de banqueroute, pas d’augmentation de la taxation, pas d’emprunt. La politique de Turgot, face à une situation financière dramatique, est de contraindre à de strictes économies tous les ministères. Toutes les dépenses doivent désormais être soumises pour approbation au contrôleur général des finances. Avec les physiocrates, Turgot croit en l’aspect éclairé de l’absolutisme politique et compte sur le roi pour mener à bien toutes les réformes. Il expose sa doctrine dans son Mémoire sur les municipalités (1775) soumis au roi. Dans le système proposé les propriétaires seuls doivent former l’électorat, aucune distinction n’étant faite entre les trois ordres. Les habitants des villes doivent élire des représentants par zone municipale, qui à leur tour élisent les municipalités provinciales, et ces dernières une grande municipalité, qui n’a aucun pouvoir législatif, mais doit être consultée pour l’établissement des taxes. Il faut y combiner un système complet d’éducation et de charité visant à soulager les pauvres.
Louis XVI recule devant l’ampleur du plan économique de Turgot et ses soutiens de la première heure, tels Maurepas et Malesherbes, l’abandonnent. Ses détracteurs, dont la reine Marie-Antoinette, jubilent, convaincus que l’ancien système peut perdurer. Le présent recueil défend une France qui, moins de dix ans après, ne sera plus. Turgot est destitué en mai 1776. Il termine sa carrière à l’Académie des inscriptions et belles-lettres : son portrait orne la salle de séances. Son système libéral et égalitaire devait triompher moins de quinze ans plus tard.
TEXTE :
ff. 1 – 3, Pièces méchantes mais curieuses. Le saule et la ronce. Fable ; Préface. Correction des Mannequins ; Eloge de M. Turgot ; Lettre de M. de Maurepas à M. Turgot lors de sa disgrâce (12 mai 1776) ; Réponse de M. Turgot (13 mai 1776).
pp. 1 – 49, précédés par un feuillet non chiffré, [LINGUET (Simon Nicolas Henri)]. Les Mannequins.
Une note indique : « attribué à M. Linguet », suivi de « Sentiment du copiste sur cet ouvrage : Le plus grand merite de cet ouvrage est le sarcasme. Il est fait par là pour plaire à la malignité humaine. Mais l’autheur est blamable, & même selon moi punissable, d’avoir osé tourner en ridicule des choses augustes, & justement révérées par la Nation, telle que la personne du Roy, page 28, Le lit de justice, page 36… » (p. 49).
Il s’agit d’une satire du programme de Turgot et ses amis les « économistes ». Ce pamphlet circulait à Versailles depuis 1776. L’édition originale parut sous le titre Les mannequins, conte ou histoire comme l’on voudra, s.l. [Paris], 1776. Les noms anagrammisés des « économistes » sont fournis en tête d’ouvrage : l’Abbé de Véry, Maurepas, Malesherbes, Colbert.
L’ouvrage est attribué à Louis XVIII (1755−1828), alors Comte de Provence, frère de Louis XVI par Quérard (éd. 1833, tome V, p. 368) mais il est donné à Linguet par ailleurs.
pp. 50 – 54, [VOLTAIRE]. Epître à un homme. La note en fin de texte indique : « Cette epitre est de Voltaire, qui l’addressa à M. Turgot quelques jours après sa disgrâce ».
Publiée. Voir Oeuvres complètes de Voltaire, Paris, Garnier, 1877, tome 10 (pp. 451 – 453).
pp. 55 – 103, [LAGRANGE-CHANCEL (François-Joseph) (1677 – 1758)]. Les Philippiques.
Pamphlet très violent dirigé contre le régent Philippe d’Orléans et qui valut à son auteur La Grange-Chancel, auteur de théâtre, une réputation sulfureuse que ses précédentes productions ne lui avaient pas attirée : c’est à ce texte que remontent la plupart des fables qui ont servi à tisser la légende noire du Régent, comme la tentative d’empoisonnement de Louis XV, ou la relation incestueuse avec sa fille Marie-Louise-Élisabeth d’Orléans, duchesse de Berry. Les cinq odes sont présentes (rappelons que la première version imprimée n’en renferme que trois), mais pas l’Ode à la princesse de Conti, qui est parfois – mais à tort – considérée comme la sixième. Par rapport aux autres exemplaires qui circulèrent sous la Régence ou même après, on peut noter ici les notes en marge, véritables clefs de lecture. L’ouvrage fut édité plusieurs fois.
pp. 104 – 117, [GUYOT-DESHERBIERS (Claude-Antoine) (1745 – 1828)]. Les Chancelières.
Avocat originaire du Mans, Claude-Antoine Guyot-Desherbiers vient plaider à Paris et y eut quelques succès. Il fait, contre le chancelier Maupeou, une pièce de vers, Les Chancelières, qui ne put circuler que sous le manteau. Il est le grand-père d’Alfred de Musset.
pp. 118 – 137, Epigrammes, dont : Epigramme (1774) : « Grace au bon Roy, qui regne en France… » ; Sur Linguet qui demandait le Cordon de St-Michel (1773) ; Contre l’abbé Terray (1773) ; Sur la duchesse de Chaulnes (1773) ; Contre le marquis de Peray (1774) ; Epitaphes de M. le duc de Lavrillière (1771, 1774) ; Contre M. Bourgeois de Boyne (1774) ; Contre l’abbé Terray ; Contre la Croix de St-Louis accordée par M. d’Aiguillon à M. Bouret d’Erigny, fermier général (1774) ; Vers pour mettre au bas du portrait de M. l’abbé Terray (1775) ; Sur M. l’archevêque de Paris donnant à diner à M. Necker (1777) ; Contre M. Laus de Boissy, poëte mediocre ; Sur le sallon de 1777, « Il est au Louvre un galetas / Ou dans un calme solitaire… » ; Epitaphe de l’abbé Terray (1778) ; Epigramme sur la réception de La Harpe à l’académie française ; Autre sur la réception de M de Condorcet à la même ; Autre sur Mlle Guimard ; Epigramme sur les médecins ; Bon mot (1779) ; Epigramme sur M. d’Orsilliers ; Epigramme sur le Maréchal de Duras (1779) ; Portrait de Madame de Pompadour ; Epitaphe française deladite : « Cy gist, qui fut 15 abd pucelle, vingt ans catin ; puis 8 ans maquerelle » ; Epitaphe latine de Madame de Pompadour ; Epitaphe du cardinal Dubois ; texte sur Voltaire ; Epitaphe de l’abbé de la Coste mort aux galères en 1762 ; Epigramme contre Fréron ; Avril 1762. Aux Jésuites sur la cloture du college Loüis le Grand ; Distique sur la cassation des jesuites (1763) ; Epigramme contre Fréron ; Epigramme sur le mariage d’un jésuite ; Epitaphe de Madame de Pompadour morte en 1764 ; Mlle Clairon ; Parodie par un caustique publiée le lendemain par M. de Ste-Foy ; De la fameuse Fretillon ; Suite de Mlle Clairon, may 1765 ; Inscription pour l’Opéra 1768 ; Inscription pour mon cabinet 1768 ; Epigramme sur La Harpe may 1772 ; Epigramme « Un homme était de frigidis… » ; Sur une vieille coquette ; Sur les filles ; Temps perdu.
pp. 138 – 142, [DU LAURENS (Henri-Joseph)]. Procession de la sainte Chandelle d’Arras.
Paru dans La Chandelle d’Arras. Poëme héroico-comique, en XVIII chants (Londres, 1774). L’édition originale parut en 1745.
pp. 143 – 144, feuillets blancs.
pp. 145 – 146, Table de ce volume.